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Le Synode sur la famille a finalement rendu public son document final, qui n’est qu’une série de propositions faites au Pape, et ne revêt donc aucune autorité particulière. En ce document, les numéros 84 à 86 sont particulièrement graves. Aline Lizotte, docteur canonique en philosophie et directrice de l’Institut Karol Wojtyla, l’une des références internationalement reconnues dans l’Eglise catholique sur les questions d’éthique conjugale et de la sexualité, a livré son analyse à Figarovox. Pour elle, ce document propose tout simplement le règne du libre examen protestant ! Extraits de son analyse :
Les numéros 84, 85 et 86 de la relation synodale [relatifs à la situation des divorcés remariés] sont pour le moins confus sinon ambigus. On n’y parle pas directement d’interdiction ou de permission de communier, mais de trouver les divers modes d’intégration en vue d’une meilleure participation à la vie communautaire chrétienne. Parmi ces différents modes d’intégration, il y aurait la permission de devenir parrains, de faire la catéchèse […]. Mais il y a aussi la possibilité de communier. Jean Paul II n’était pas allé aussi loin. Tout en refusant fermement la possibilité de participer à la communion, il avait, lui aussi, bien affirmé que les divorcés faisaient partie de la communauté chrétienne – ils n’étaient pas excommuniés – et qu’ils devaient s’unir à la prière de l’Eglise, participer au sacrifice eucharistique et prendre part aux œuvres de charité sociales. Aujourd’hui le numéro 84 du document final va plus loin, puisqu’il parle de « dépasser » les « exclusions » dans le domaine liturgique, éducatif, pastoral et … « institutionnel ». Ce mot est vague mais il est très important car il peut tout désigner dans l’Eglise. Qu’est ce qui empêcherait en effet un divorcé remarié de devenir diacre…
Quant au numéro 85, il exagère une distinction capitale […] qui appartient depuis toujours à la théologie morale : cette distinction […] permet de faire une différence entre ce qui est « objectif » dans un choix moral et ce qui dépend des « circonstances ». […] On veut donner plus de place, désormais, aux circonstances. Or la distinction classique montre qu’il y a des actes moraux qui sont objectivement graves, même si, effectivement, certaines circonstances, propres à la personne, permettent d’en diminuer la responsabilité, voire de l’annuler.
Il y a donc une différence entre la réalité objective d’un acte et ce que l’on appelle « l’imputabilité » de l’acte, sa charge morale, si je puis dire, qui repose, ou non, sur les épaules de celui qui a commis cet acte. […] Cette distinction – appliquée à l’échec d’un mariage et le divorce – éclaire la culpabilité dans la conscience morale. Car une chose est une séparation qui aboutit à un divorce dont l’auteur a tout fait pour plaquer son conjoint en l’abandonnant à sa solitude avec la charge de ses enfants ; une autre chose est l’état du conjoint « ainsi répudié » qui a tout tenté pour conserver son engagement matrimonial et qui se trouve acculé à un état de vie, difficile ou quasi impossible. Un état dont il ne porte pas la responsabilité. C’est une victime.
Surgit alors cette question cruciale : cette personne – homme ou femme – en se remariant commet-elle un péché « d’adultère » qui, en tant que péché, l’entrainerait à s’éloigner de la communion ? Et peut-on la juger de la même manière que son conjoint qui l’a plaquée et qui s’est remarié ? […]
Nous sommes [en fait] face à deux actes objectivement différents : Une chose est de ne pas se juger coupable, au for interne, c’est-à-dire dans sa conscience, de l’échec de son mariage et même d’aller jusqu’à la conclusion intime que ce mariage était invalide[1]. Autre chose est de s’appuyer sur cette seule conscience – même assisté par un conseiller spirituel, voire d’un évêque – pour prendre la décision de se remarier. En se disant, en somme, je ne suis pas coupable – en conscience – de l’échec de mon mariage, j’ai même la conviction intime que mon premier mariage est invalide ; en me remariant, je ne commets donc pas un adultère ainsi je peux communier. Or, et c’est là le fond du problème, la condition de commettre, ou de ne pas commettre un adultère, ne dépend pas uniquement des conditions intérieures du jugement de conscience mais elle dépend de la validité, ou de la non validité du premier mariage. Ce qui ne relève pas uniquement du for interne de l’un des conjoints, ou, autrement dit de sa seule conscience profonde, mais du for externe, c’est-à-dire des critères objectifs de la loi ! […]
[Mais] les critères donnés au n°85 du document final du synode sont justement prévus pour aider la personne, son confesseur et même son évêque à juger de la droiture et de l’honnêteté de sa conscience. Mais, je regrette, ces critères ne sont pas suffisants pour conclure avec certitude de la validité ou de la non validité du premier mariage. […] Agir dans ce sens va conduire à mettre en place une sorte de système de «consulting spirituel», de coaching interne qui aideront les consciences à ne plus se sentir coupables d’un remariage. Fortes de leur subjectivité elles estimeront avoir le droit à un remariage en bonne et due forme. […]
Pour l’Église catholique le problème auquel elle doit faire face n’est pas celui des divorcés remariés mais celui de la crédibilité de son mariage. […] Le problème des divorces remariés apparaît comme un cas type, sur lequel on réfléchit comme sur un cas le plus difficile à résoudre. On a espéré le résoudre uniquement par la voie pastorale… sans changer les affirmations doctrinales. Mais cela touche à la quadrature du cercle car la pastorale découle de la doctrine ! Elle est, en prudence, son application. Changer une pastorale sans changer de doctrine dans les points essentiels de cette doctrine, c’est un problème impossible à résoudre. La doctrine de l’Église catholique est en effet claire et ferme : un mariage validement célébré (ratum) et consommé (consumatum) est indissoluble. […]
Si l’ouverture qu’amorce ce synode sur le jugement de conscience, jointe à la facilité des procédures qui sera mis en vigueur par le Motu Proprio Mitis Iudex Dominus Iesus e Mitis et Misericors Iesus du 8 septembre 2015, pour l’obtention d’un décret de nullité on risque d’aller en pratique, non vers un « divorce à la catholique »[2] mais vers une sorte de conception protestante de la liberté de conscience. Car la conscience, comme je viens de l’expliquer ne peut pas seulement se fonder sur le seul ressenti qu’elle perçoit, ou non, de la gravité de ses actes, mais sur des critères objectifs de la loi morale.
[Certes] l’Église peut évoluer sur des questions qui découle de son droit propre. Ainsi elle évolue sur beaucoup de questions: réformes liturgiques, réforme de la pénitence pendant le carême, réforme sur les fêtes de préceptes […]. Mais il y a des domaines qui ne sont pas du droit de l’Église. D’abord parce qu’aucun Pape n’a fondé et ne fonde l’Église. C’est toujours Jésus-Christ qui bâtit son Eglise. Ensuite parce que le Christ a laissé à l’Église des moyens de participer à sa vie, à sa prière, à son mystère de salut, moyens qui sont liés à sa volonté : ce sont les sacrements et leur substance sur lesquels l’Église n’a aucun pouvoir. Il faut toujours de l’eau pour baptiser ; il faut toujours du pain et du vin pour une consécration eucharistique […] Ainsi, le mariage que Dieu a institué est hétérosexuel, monogame, indissoluble et ouvert à la vie. Ces propriétés du mariage l’Église ne les invente pas, elle les reçoit du Christ lui-même. Si elle peut changer la discipline, par exemple, l’âge de la première communion, le ministre du baptême, les conditions de l’onction des malades etc ; elle ne peut changer la substance du sacrement. Or, l’indissolubilité fait partie essentiellement du sacrement du mariage. Et sur cette question l’Église n’a aucun pouvoir d’en changer.
[1] – NDLR : on notera que cette conclusion intime de la conscience n’est pas suffisante pour considérer nul un mariage. Outre le fait que cette conscience ne connaît pas la plupart du temps la complexité du droit matrimonial ecclésiastique, le mariage reste une institution sociale appartenant à l’Eglise, qu’elle seule donc peut déclarer nul avec les conséquences sociales (dont la possibilité d’un nouveau mariage) qui en découlent.
[2] – A notre sens, il serait plus juste de dire : « non seulement vers un divorce catholique »
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