Ancien président de la Banque centrale européenne, diplômé d’économie du Massachussetts Institute of Technology (MIT), Draghi a le profil qui plait à l’Union Européenne et aux financiers en général. Et, curieusement, il a su aussi s’acquérir, en ces temps de crise économique, les bonnes grâces du peuple italien, via les politiques, qui pense trouver en lui un rempart face aux exigences bruxelloises et un atout pour tirer le maximum du plan de relance extraordinaire mis en place au niveau européen.
Draghi a ainsi su obtenir le soutien de tous les partis politiques italiens à l’exception de Fratelli d’Italia, frères d’Italie, formation souverainiste et identitaire que les médias qualifient « d’extrême-droite » créditée de 14% par les sondages. Le nouveau Premier ministre italien a réussi à former un gouvernement de coalition qui se veut « d’unité nationale » pour faire face aux enjeux et défis actuels. Aux côtés des démocrates et des progressistes, siègeront des ministres issus de Forza Italia, le parti fondé en 1993 par Silvio Berlusconi, de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles (M5S). Sans oublier Italia Viva, le petit parti de Matteo Renzi, l’ex-président du Conseil de 2014 à 2016 qui a provoqué la chute du gouvernement précédent. En revanche, les huit portefeuilles les plus importants comme le Trésor et les Infrastructures ont été confiés à des technocrates issus de la finance, de la recherche et de l’industrie. « Une façon pour l’ex-banquier de blinder son gouvernement et de rassurer l’Europe et ses partenaires sur la façon dont les affaires sérieuses – c’est-à-dire les questions d’argent et de relance des moteurs économiques – seront gérées » ironise un journaliste.
Cet exécutif élargi « est une nouveauté, c’est vrai. Mais auparavant, il n’y avait pas un si grand nombre de partis en Italie, d’où ‘l’originalité’ du produit Draghi par rapport aux expériences précédentes », constate le sociologue Antimo Luigi Farro.
La situation économique a poussé les chefs de parti à s’allier à Draghi indépendamment de visions politiques fort divergentes : l’argent qui va arriver de Bruxelles dans le cadre du plan de relance extraordinaire a été le moteur de cette alliance gouvernementale « car ceux qui ne seraient pas entrés au gouvernement n’auraient pas participé à l’opération qui va remettre le pays sur le rail » explique le Pr. Farro. Ceci explique la conversion de Salvini qui s’est rapidement aligné sur les convictions pro-européennes de Mario Draghi pour pousser l’un des siens, l’économiste Giancarlo Giorgetti, à la tête du ministère du Développement économique. Un résultat important, ce ministère devant jouer un rôle clef dans le plan de relance, puisqu’il gère les questions de politique industrielle, le commerce international, les communications et l’énergie. Autant de dossiers fondamentaux pour l’électorat de la Ligue basé dans le nord du pays et composé de petits patrons.
Mais combien de temps tiendra cet exécutif « d’unité nationale » est la question. Car un fossé idéologique sépare Draghi de Salvini !
Francesca de Villasmundo
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