A cette époque, il n’y avait dans ma bonne ville qu’un seul arabe. Tout le monde l’aimait : on l’appelait Monzami. Il vendait des cacahuètes à la criée dans les rues. « Accacouette, accaouette biengrillis ! ». Délices d’enfants d’il y a bien longtemps ! S’appelant Rachid, cette homme ignorait sans nul doute que le produit qu’il vendait se nommait arachide. Puis la consommation de ce fruit sec venant de l’industrie agro-alimentaire des Etats-Unis devint généralisée au plan mondial. On en fit ensuite de l’huile, donc des calories. Les graisses alimentaires venant de l’arachide ont été chargées de tous les péchés de l’alimentation et dénoncées comme première cause de mortalité mondiale par obésité et infarctus. Chacun avait dans sa tête l’image d’Elvis Presley au visage bouffi se gavant à poignées de cacahuètes.
Souvent médecine varie, bien mal est qui s’y fie. Retournement de situation ! Une série d’études nous apprennent que la cacahuète est riche en oligo-éléments, en magnésium, en vitamines variées , en antioxydants comme le Resvératrol, en « bonnes graisses ». L’ensemble des ces facteurs permet de dire que non seulement la consommation de ce fruit sec fait baisser le taux de cholestérol, mais en plus protège du cancer colorectal et des maladies cardiovasculaires ; infarctus et embolies pouvant diminuer de 38 % (étude sur plus de 200.000 personnes s’il vous plait !). Le fin du fin : l’arachide fait maigrir car elle entraîne une sensation de satiété qui coupe l’appétit. De quoi rêver au moment de l’apéro !
Mais ce petit fruit sec a quand même une malédiction. Il induit des allergies qui peuvent être mortelles ; or ces dernières progressent à toute vitesse. Comment donner une nouvelle forme au revers bien triste de la médaille ? Imaginez-vous que la solution c’est la cacahuète. Le principe de désensibilisation est exactement le même que celui du venin de la guêpe. Celle-ci se fait par des injections croissantes à très petite doses de ce poison. Pour ceux qui s’intéressent à l’Histoire, le roi grec Mithridate, un conquérant né et mort avant Jésus-Christ, avalait des petites doses croissantes de poison tous les jours dans son verre de vin ; il s’immunisait ainsi contre ceux qui voulaient le faire mourir d’empoisonnement.
Le principe de la désensibilisation à l’allergie aux arachides est le même ; mais au lieu d’un traitement par injections comme pour le venin de la guêpe ou d’ingestions de vin empoisonné, comme dans le cas de Mithridate, il s’agit de petits patchs cutanés dont le dosage en cacahuète est progressivement augmenté. Et cela « marche » selon son inventeur le Dr Pierre-Henri Benhamou, PDG du laboratoire pharmaceutique DBV Technologies. Résultats spectaculaires ! Commercialisation du procédé prévue dans trois ans au plus tard.
En attendant, je me console au Resvératrol que je trouve dans mon verre de vin rouge et qu’à l’instar de Mithridate, je bois avec modération…mais régulièrement.
Dr Jean-Pierre Dickès
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