Sa magnifique statue, rénovée, couverte d’or comme jamais, et spectaculairement héliportée, est revenue depuis quelques jours sur la flèche de l’abbaye, brillant sur la mer et au plus loin des campagnes alentours (1).
Il ne faut pas voir dans cette actualité, malheureusement, une soudaine conversion de la république française laïque, mais, avec les grandes opérations de désensablement, un simple souci, de revaloriser un des lieux les plus visités de France. La puissance symbolique de l’événement dépasse heureusement cette limite.
Nous savons, par la plume d’un chanoine (2), qu’en 708, l’évêque d’Avranches, Saint Aubert, reçut, dans son sommeil, ordre du Chef de la milice céleste de lui dédier un oratoire, sur le « Mont-Tombe », ancien sanctuaire païen et lieu d’ermitages, et ce, sur le modèle de San Giovanni Rotondo en Italie, où vivra plus tard Padre Pio.
Le prélat devait avoir la tête dure, car ce n’est qu’à la troisième fois qu’il décida d’obtempérer, non sans que l’archange lui ait pointé le crâne d’un doigt, y laissant un trou que l’on peut aujourd’hui contempler à Avranches. Dès lors ce lieu s’est appelé le « mont Saint-Michel au péril de la mer », un raz-de-marée l’ayant alors transformé en île à l’accès dangereusement lié aux marées les plus grandes d’Europe qui peuvent gagner les côtes « à la vitesse d’un cheval au galop ».
Géographiquement, il s‘agit d’un îlot rocheux de granit à l’Est de l’embouchure d’un fleuve : le Couesnon. « Le Couesnon dans sa folie a mis le Mont en Normandie », et, selon certains « le Couesnon, dans sa raison, le rendra aux Bretons ». Il sert, à cet endroit, de frontière changeante entre les deux duchés qui se sont autrefois violemment disputé son joyau.
Charlemagne ayant demandé à Saint Michel de protéger son Empire, le Mont devint, tout au long du moyen-âge, un haut lieu de pèlerinage. L’abbaye bénédictine fut fondée en 966 pour remplacer des chanoines trop occupés à la jouissance des richesses matérielles attachées à ce lieu.
Ces bénédictins, fidèles à leur réputation, travaillèrent avec soin, notamment à recopier, traduire, et commenter de nombreux manuscrits. On a longtemps considéré que l’Occident Chrétien avait redécouvert Aristote et la majeure partie de la Philosophie grecque par l’intermédiaire de la civilisation musulmane, et certains ont intérêt à le répéter plus que jamais. Pourtant, en dépit de manœuvres d’obstructions, des historiens ont établi de manière indubitable (3) que, sensiblement avant cette origine arabe, ce travail des moines de Saint Michel avaient assuré une part essentielle de cette transmission, et eût ainsi une influence considérable sur le développement intellectuel de l’Europe.
Pendant la guerre de Cent ans, le Mont Saint Michel fut, un temps, seul, en Normandie, à résister aux anglais et, en dépit de plusieurs tentatives, ils ne s’en emparèrent jamais (4) Il devint ainsi le symbole de la résistance nationale. Ce fut notamment l’occasion d’une bataille navale où les Bretons triomphèrent des grands-Bretons. Rappelons-nous, de plus, que c’est saint Michel, accompagné de sainte Marguerite et de sainte Catherine, qui donna à sainte Jeanne d’Arc mission de délivrer la France, et qu’elle l’invoquât jusque sur son bûcher.
Le Mont connut plus tard un certain déclin, l’abbaye devenant, partiellement sous l’Ancien régime, et totalement à la Révolution, une prison.
Sa renaissance commence en 1835, par sa restauration initiée par l’architecte Violet-le-duc, et, en 1896, l’érection de la flèche néogothique couronnée deux ans plus tard par la statue angélique. Une communauté religieuse, les frères et soeurs de la Fraternité monastique de Jérusalem, prie à nouveau en permanence dans l’abbaye.
Au moment où Jeanne, par son anneau, revient en France, le retour de la statue de Saint Michel annonce-t-il pour bientôt le moment où l’Archange viendra lui-même terrasser à nouveau le Dragon ?
(1) http://www.ouest-france.fr/culture/patrimoine/mont-saint-michel/video-larchange-trone-de-nouveau-160-m-au-dessus-du-mont-saint-michel-4253554
(2) Revelatio ecclesiae sancti Michaelis in monte Tumba
(3) (3)cf Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen Âge,et Sylvain Gouguenheim Aristote au Mont Saint-Michel
(4) Ils devront se contenter de leur jolie petite copie, à la pointe de la Cornouailles
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