« J’ai osé »
Sa tombe portait cette épitaphe diversement interprétée.
Elle a été détruite en 2011, et les restes de son corps, brûlés puis dispersés en mer.
Il est mort à l’âge de 93 ans, le 17 août 1987, il y aura donc aujourd’hui 40 ans, dans la prison de Spandau dans laquelle il était détenu depuis sa condamnation à perpétuité, en 1946, par le tribunal de Nuremberg. Il s’y est pendu … officiellement.
En 1933, il était le troisième personnage du Troisième Reich, dont Göring était le second. Hitler le désignait publiquement comme étant son dauphin. Ils furent profondément liés : c’est ensemble qu’ils combattirent pendant la Grande Guerre et connurent les premiers temps du Parti nazi. Après le putsch manqué de Munich, c’est toujours ensemble qu’ils furent emprisonnés puis qu’ils rédigèrent le décisif Mein Kampf.
Il fut, en 1941, l’étrange héros d’une action rocambolesque : volant seul au-dessus des côtes écossaises, son avion fut abattu et après sa descente en parachute, il fut capturé. Le but de son escapade était de négocier une paix séparée: l’Allemagne ne contesterait pas l’Empire britannique au-delà des mers, et cesserait toute attaque du Royaume-Uni, si celui-ci restait neutre quand le Reich irait à la conquête de son espace vital en envahissant l’URSS. Après le refus anglais, sa longue captivité commença, tout d’abord à la Tour de Londres. Hitler le désavoua, déclarant qu’il était devenu fou.
Au procès de Nuremberg, il fut accusé de complot, de crimes contre la paix, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il plaida non coupable et proclama sa fierté d’avoir servi son Fürher. Il ne fut pourtant condamné que pour la seconde accusation, ce que l’on peut trouver ironique, en raison de son étrange tentative. Pendant le procès, deux psychiatres l’avaient jugé atteint d’« amnésie hystérique », mais en 1948, un autre avait certifié qu’« à l’heure actuelle, Hess ne souffre d’aucun dérangement mental », ce que confirmeront ses aumôniers successifs.
En 1966, après la libération de deux autres détenus condamnés à vingt ans d‘emprisonnement, il devint le prisonnier le plus cher du monde, aux frais de l’Allemagne de l’Ouest : seul pensionnaire de sa prison, il avait, pour veiller sur lui, trois gardes armés, vingt employés pénitentiaires, dix-sept civils, un aumônier, quatre médecins, et quatre directeurs de prison (1) qui se succédaient dans ce rôle par roulements. Le captif ne pouvait lire de journaux, qu’expurgés de tout ce qu’ils contenaient sur le nazisme, et la presse ne pouvait pas le rencontrer. Les 4 directeurs devaient être présents lors des visites personnelles d’une demi-heure par mois, strictement réservées à sa femme et à son fils, et devaient l’être aussi pour celles des médecins qui ne devaient ni parler avec lui de politique, ni même lui serrer la main. Ses écrits, enfin, étaient étroitement contrôlés, limités à des courriers, et au besoin détruits.
Pourquoi toutes ces mesures, et notamment les plus cruelles ? la volonté de ne pas alimenter sa mémoire et de ne pas risquer d’engendrer des « mémoires » dont pourraient se servir les nostalgiques du nazisme, suffit-elle à les expliquer ?
Ces raisons semblent courtes et bien d’autres questions se posent toujours à son sujet, qui en font encore l’un des prisonniers les plus énigmatiques de l’histoire, une sorte de masque de fer du XXème siècle.
Sa tentative de négociation fut-elle voulue par Hitler, acceptée par lui, ou était-elle une pure initiative personnelle ? Qu’est-ce qui lui faisait espérer un succès ? Pourquoi ne pas l’avoir finalement condamné à mort mais « seulement » (l’adverbe peut être contesté) à une réclusion perpétuelle sans remise de peine ?
L’invraisemblance de la thèse officielle de son suicide semble démontrée, mais pourquoi, avec une détention aussi coûteuse, avoir attendu si longtemps, qu’il ait un âge si avancé, pour se débarrasser de lui ? Remarquons que la même question se pose si l’on veut défendre à tout prix la thèse d’un suicide qu’il n’avait jamais tenté auparavant, et dont il n’avait même jamais manifesté le désir.
Diverses archives ont été ouvertes dont celles de la défunte Union Soviétique en 1991. Elles ont levé un coin du voile, mais sont loin d’avoir tout éclairé. Celles du Royaume-Uni, sur ce sujet, devaient, après plusieurs reports, être rendues publiques cette année mais, pour l’instant, et à notre connaissance, on ne voit rien venir.
Qu’y aurait-t-il encore à cacher ?
Les réponses hypothétiques sont multiples…
40 ans après sa mort, Rudolf Hess est bien toujours « au secret » …
(1) représentant les quatre alliés vainqueurs
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