Une association juive, le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), a demandé à la maison d’enchères Pierre Bergé et Associés de retirer d’une vente prochaine un exemplaire de «Mein Kampf» daté de 1925 et illustré d’un portrait d’Hitler.
Cette édition originale, estimée 3.000 à 4.000 euros, fait partie d’une grande vente prévue le 16 mai à l’Hôtel Drouot. Composée de quelque 420 lots (livres, manuscrits), celle-ci réunit la collection bibliophile de Philippe Zoummeroff, industriel à la retraite, collection axée essentiellement sur les ouvrages liés à la criminologie et aux grandes affaires criminelles.
Dans un communiqué envoyé mardi soir, le BNVCA estime que «Mein Kampf» est présenté dans le catalogue «comme s’il s’agissait d’un objet d’art, écrit par un poète ou un membre de l’Académie Française».
Le BNVCA demande à la ministre de la Culture «d’intervenir auprès de cette société pour que ce livre soit interdit à la vente et confisqué».
Mi-avril, la vente d’une quarantaine d’objets nazis ayant appartenu à Hitler et au Maréchal Goering, avait déjà suscité l’indignation du Crif et du BNVCA, et avait été annulée par une autre maison d’enchères après l’intervention d’Aurélie Filippetti.
Interrogé mardi soir par l’AFP, le Conseil des ventes volontaires (CVV) a fait part de sa «vigilance sur cette vente» autour du crime. Il a indiqué s’être «rapproché» de la maison d’enchères pour voir quels lots étaient susceptibles de poser problème et quelles pourraient être «les solutions appropriées» selon les cas.
Le CVV a repéré un autre livre dont la couverture comprend des éléments de peau humaine. Or la loi interdit le commerce de restes humains. Le catalogue évoque «un extraordinaire recueil de documents» concernant l’assassin Rambert et les tatouages en prison, réunis par le docteur Jean Lacassagne, «dans une étonnante reliure faite avec la peau de Rambert». Coupable d’un double assassinat en 1930, Louis-Marius Rambert est mort en prison en 1934, après avoir rédigé ses mémoires et les avoir confiés au docteur Jean Lacassagne (1886-1960), qui l’avait soigné, et à qui il a légué sa peau tatouée. Le lot, accompagné de documents, est estimé 10.000 à 12.000 euros. Le CVV devrait selon toute vraisemblance en demander le retrait.
Mais concernant les demandes du BNVCA rejoint par d’autres associations communautaires juives, on peut légitimement s’inquiéter des conséquences si elles devaient être appliquées.
Bientôt, selon cette logique, il deviendra impossible à un historien de lire Mein Kampf. L’historien devra-t-il se limiter à lire des commentaires consacrés à cet ouvrage ? Ensuite, on fera de même pour tous les ouvrages de propagande édités par l’Allemagne nazie. Avec un tel raisonnement idéologique, il deviendra alors tout simplement impossible d’étudier l’Histoire sur base des sources d’époque, ce qui est pourtant essentiel au travail de l’historien.
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