L’actualité ne cesse de montrer que les véritables détenteurs du pouvoir sont ceux qui savent manipuler l’opinion par le biais des moyens de communication de masse. Nos contemporains, prétendument libérés des chaînes de l’obscurantisme et de la superstition se jettent dans les bras du Mensonge de masse, d’autant plus tyrannique qu’il est plus discret. La désinformation n’est autre que l’organisation du mensonge à grande échelle, de manière à fabriquer et manipuler l’opinion publique : une contre-vérité répétée une fois reste fausse. Répétée et amplifiée mille fois, elle devient un dogme.
1. Soigner son autorité
Le premier principe est de faire passer son opinion propre pour la meilleure, voire la seule autorisée. Le recours au « spécialiste » est vivement recommandé. Nul n’osera le contredire sans passer pour un ignorant. Exemple : Madame Caroline Fourest, autoproclamée spécialiste des religions et régulièrement consultée sur ce qu’elle appelle les intégrismes, catholique ou musulman mis sur le même pied, sans qu’on prenne garde qu’elle est spécialiste des religions comme le capitaine Haddock est spécialiste de l’eau. Prendre soin d’employer des arguments très objectifs. Noyer l’adversaire sous des statistiques adroitement choisies et présentées (« Le chômage vient de reculer de 2% » alors qu’on a simplement décidé de manipuler les catégories). Le sondage est particulièrement efficace, surtout lorsqu’on propose des formules précises. Poser la question « Faut-il mettre fin par tous les moyens à des souffrances intolérables ? » permet ainsi d’affirmer sans trop de risques que les Français sont majoritairement favorables à l’euthanasie.
De nombreuses techniques permettent de maquiller une information tendancieuse en renseignement parfaitement objectif. Mettez face à face deux intervenants aux points de vue opposés, dont vous savez que l’un est un redoutable débatteur et l’autre intimidé par la caméra, vous aurez fait passer votre point de vue à peu de frais.
Mettez l’accent sur le point secondaire qui vous intéresse et au contraire passez très vite sur le principal s’il n’est pas politiquement correct. En 1986 un braqueur anglais tentait de s’engager dans la Légion étrangère. Refusé, il commettait un meurtre dans le train. France-Soir titrait le 13 décembre : Le légionnaire du Marseille-Paris avait commis plusieurs hold-up.
Question d’affiche…
2. Démolir le crédit de l’adversaire
Le plus simple est tout simplement de faire comme si l’opinion inverse de la sienne n’existait même pas, comme si elle était impensable. Nos médias sont devenus très forts à ce petit jeu. Comme le remarquait Valeurs Actuelles du 29 janvier 1990 : « Surprenante rétrospective des années 80 sur Antenne 2. En 80 minutes d’émission, pas une seule image de la guerre israélopalestinienne de 1982, ni des forces françaises envoyées à Beyrouth et au large du Liban entre 1982 et 1984, rien sur les 58 paras assassinés le 24 octobre 1983… En revanche, presque 5 minutes de « clips » sur des chanteuses comme Elsa ou Vanessa Paradis ! ».
Seconde étape, lorsqu’on est obligé de parler d’un sujet qui fâche : séparer les parties en présence en un camp du bien et un camp du mal, le premier étant bien entendu paré de toutes les vertus et le second affligé de tous les vices.
Exemple : nul ne songe à accuser Voltaire de la moindre incartade, lui qui luttait farouchement contre la tyrannie catholique. Pourtant ses œuvres regorgent de passages très litigieux : antisémitisme, misogynie, cynisme, mépris des pauvres… (Xavier Martin, Voltaire méconnu). A l’inverse, quiconque ose s’attaquer à ces icônes est forcément soupçonné de mauvaises intentions, voire de mauvaise foi. Après toutes les moqueries dont il a fait l’objet, le pauvre Fréron ne peut être qu’un imbécile ou un malhonnête pour avoir osé s’attaquer à Voltaire.
Plus difficile, mais plus efficace : discréditer l’adversaire, le diaboliser à l’aide de quelques mots magiques qui feront réagir le public habitué. Pour s’attaquer au terrorisme islamique, Monsieur Valls n’a pas trouvé de mot plus dur que celui d’islamo-fascisme. Comme si les terroristes du prétendu Califat avaient quoi que ce soit de commun avec Mussolini. Comble de l’habileté: réussir à passer soi-même pour un contestataire persécuté. Le fameux Charlie Hebdo vient de nous en faire une magnifique démonstration. Le second numéro paru après les attentats de janvier reprenait de plus belle les tartes à la crème antichrétiennes, comme si les catholiques représentaient une menace aussi dangereuse que celle qui a frappé leur rédaction. L’ancien rédacteur en chef, nommé à la tête de France Inter (curieux pour un contestataire…), n’a-t-il pas pourchassé, à peine en poste, les chroniqueurs qui avaient le malheur de ne pas partager ses idées ? Si les anciens bagnards font de bons policiers, les anciens anarchistes font de bons commissaires politiques.
Comment réagir ?
Devant un tel déluge d’informations faussées, comment n’être pas effrayé ? Un effort d’esprit critique est nécessaire. Attention toutefois à ne pas se méfier par principe de tout. Notre objectif premier doit être de chercher les vraies sources, et non de se contenter de rumeurs. L’internet permet, il est vrai, de retrouver plus facilement les propos authentiques des uns ou des autres,
mais il est aussi une formidable caisse de résonance pour les faux bruits… Bien malin qui saurait discerner par lui-même le vrai du faux à coup sûr. Il s’agit plutôt, non pas de ne faire confiance à personne, mais de choisir à qui l’on fait confiance.
Quelques médias de « réinformation » sont à cet égard plus qu’utiles. En tout cas rappelons-nous que la tactique favorite du démon est la division et qu’il est très fort pour faire naître l’esprit de critique à la place de l’esprit critique, la méfiance à la place de la prudence.
« Calomniez, il en restera toujours quelque chose », disait Voltaire. Satan est le père du mensonge. De tout mensonge.
Abbé Louis-Marie Carlhian
Extrait d’Apostol avril 2015 N° 87
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