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L’ex-nonce Mgr Vigano revient sur son « j’accuse » concernant le cardinal McCarrick et la protection dont il aurait bénéficié au Vatican en répondant à la lettre ouverte du cardinal Ouellet, Préfet de la Congrégation pour les Évêques, dont il réfute les accusations. Il en appelle au pape et aux confrères afin que ceux qui savent osent parler. Il revient en outre sur sa décision de dévoiler cette sombre affaire :
« Je suis vieux, je crains le jugement du Juge qui peut jeter corps et âme en enfer. Je ne pouvais pas rester silencieux. »
Surtout il va droit au but en condamnant le manque d’analyse sérieuse sur la première cause de ces scandales sexuels : l’homosexualité, qu’il appelle un « fléau », mais que l’actuel pontife et ses proches travestissent, probablement afin de pas désavouer ces pratiques contre-nature, en la plaie du « cléricalisme ».
Ci-dessous ce troisième témoignage paru sur Lifesitenews et le blog italien de Marco Tosatti.
« En la fête des martyrs d’Amérique du Nord
»Témoigner de la corruption dans la hiérarchie de l’Église catholique a été une décision douloureuse pour moi, et l’est encore. Mais je suis un vieil homme, un homme qui sait qu’il doit bientôt rendre compte au Juge de ses actes et de ses omissions, un homme qui craint Celui qui peut jeter corps et âme en enfer. Un Juge qui, même dans son infinie miséricorde, rendra à chaque homme selon son mérite le salut ou la damnation éternelle (acte de foi). Anticipant la terrible question de ce juge : »Comment vousqui saviez la vérité, avez-vous pu vous taire au milieu de la fausseté et de la dépravation? », quelle réponse pourrais-je donner ?J’ai témoigné pleinement conscient que mon témoignage inquiéterait de nombreuses personnalités : ecclésiastiques, confrères évêques, collègues avec qui j’avais travaillé et prié. Je savais que beaucoup se sentiraient blessés et trahis. Je m’attendais à ce que certains m’accusent à leur tour et discréditent mes intentions. Le plus douloureux en tout cela est que je savais que beaucoup de fidèles innocents seraient déconcertés par le spectacle d’une évêque qui accuse ses confrères et ses supérieurs accusant de malversations, de péchés sexuels et de graves manquements à leur devoir. Pourtant, je crois que mon silence persistant aurait mis beaucoup d’âmes en danger et aurait certainement damné la mienne. Ayant signalé à plusieurs reprises à mes supérieurs, et même au pape, le comportement aberrant de Theodore McCarrick, j’aurais pu dénoncer publiquement les vérités dont j’avais connaissance auparavant. Si j’ai quelques responsabilités dans ce retard, je me repens pour cela. Ce retard est dû à la gravité de la décision que j’allais prendre et au long travail de ma conscience.
J’ai été accusé d’avoir créé de la confusion et des divisions dans l’Église par mon témoignage. Pour ceux qui pensent que cette confusion et cette division étaient négligeables avant août 2018, une telle affirmation est peut-être plausible. Cependant, la plupart des observateurs impartiaux sont bien consciences d’un excès de confusion et de divisions de longue date, comme cela est inévitable lorsque le successeur de Pierre exerce avec négligence sa mission principale qui consiste à confirmer ses frères dans la foi et dans la saine doctrine morale. Quand il exacerbe ensuite la crise par des déclarations contradictoires ou déroutantes au sujet de ces doctrines, la confusion s’aggrave.
Donc j’ai parlé. Car c’est la conspiration du silence qui a causé et continue de causer un grand préjudice à l’Église, à tant d’âmes innocentes, aux jeunes vocations sacerdotales, aux fidèles en général. En ce qui concerne ma décision, que j’ai prise en conscience devant Dieu, j’accepte volontiers toute correction fraternelle, tout conseil, toute recommandation et invitation à progresser dans ma vie de foi et d’amour pour le Christ, l’Église et le Pape.
Permettez-moi de rappeler les points clés de mon témoignage :
– En novembre 2000, le nonce américain, l’archevêque Montalvo, a informé le Saint-Siège du comportement homosexuel du cardinal McCarrick avec des séminaristes et des prêtres.
– En décembre 2006, Mgr Pietro Sambi, nouveau nonce américain, a informé le Saint-Siège du comportement homosexuel du cardinal McCarrick avec un autre prêtre.
– En décembre 2006, j’ai moi-même écrit une note au cardinal secrétaire d’État, le cardinal Bertone, que j’ai personnellement remise au substitut des affaires générales, l’archevêque Leonardo Sandri, appelant le pape à prendre des mesures disciplinaires extraordinaires à l’encontre de McCarrick afin de prévenir tout futur crime et scandale. Ce mémo n’a reçu aucune réponse.
– En avril 2008, une lettre ouverte adressée au pape Benoît XVI par Richard Sipe a été relayée par le préfet de la CDF, le cardinal Levada, au secrétaire d’État, le cardinal Bertone ; la lettre contenait de nouvelles accusations selon lesquelles McCarrick aurait couché avec des séminaristes et des prêtres. Je l’ai reçu un mois plus tard et, en mai 2008, j’ai moi-même remis une deuxième note à celui qui était alors le substitut des Affaires générales, l’archevêque Fernando Filoni, exposant les plaintes contre McCarrick et réclamant des sanctions à son encontre. Ce deuxième mémo n’a également reçu aucune réponse.
– En 2009 ou 2010, le cardinal Re, préfet de la congrégation des évêques, m’a appris que le pape Benoît XVI avait ordonné à McCarrick de mettre fin au ministère public et de commencer une vie de prière et de pénitence. Le nonce Sambi a communiqué les ordres du pape à McCarrick en haussant la voix au point qu’elle fut entendue dans les couloirs de la nonciature.
– En novembre 2011, le cardinal Ouellet, nouveau préfet des évêques, m’a répété, comme nouveau nonce aux États-Unis, les restrictions imposées par le pape à McCarrick, et moi-même je les ai communiquées à McCarrick face à face.
– Le 21 juin 2013, vers la fin d’une assemblée officielle de nonces au Vatican, le pape François m’adressa des paroles de reproches envers l’épiscopat américain.
– Le 23 juin 2013, j’ai rencontré le pape François personnellement en audience privée dans son appartement pour demander des éclaircissements, et le pape m’a demandé : « le cardinal McCarrick, comment est-il ?”, paroles que je ne peux interpréter que comme une feinte curiosité afin de découvrir si j’étais un allié de McCarrick ou non. Je lui dit que McCarrick avait corrompu sur le plan sexuel des générations de prêtres et de séminaristes, et que le pape Benoît XVI lui avait ordonné de se cantonner à une vie de prière et de pénitence.
– Au lieu de cela, McCarrick continua à jouir de la considération spéciale du pape François et se vit confier, de la part du pontife, de nouvelles responsabilités et missions.
– McCarrick faisait partie d’un réseau d’évêques prônant l’homosexualité qui, jouissant des faveurs du pape François, ont promu des nominations épiscopales afin de se protéger de la justice et de renforcer le réseau homosexuel dans la hiérarchie et dans l’Église en général.
– Le pape François semble être ou complice dans la diffusion de cette corruption, ou, sachant ce qu’il fait, il est gravement responsable parce qu’il ne s’y oppose pas et n’essaye pas de la déraciner.
J’ai invoqué Dieu comme témoin de la véracité de mes affirmations, et aucune n’a été révélée fausse. Le cardinal Ouellet a écrit pour me réprimander de ma témérité qui a consisté à brier le silence et à porter des accusations graves contre mes confrères et mes supérieurs ; mais, en vérité, ses remontrances me confirment dans ma décision et servent encore plus à justifier mes affirmations, à la fois sur des points particuliers comme dans leur ensemble.
– Le cardinal Ouellet admet qu’il m’avait parlé de la situation de McCarrick avant mon départ pour Washington, où j’étais envoyé comme nonce.
– Le cardinal Ouellet admet qu’il m’a communiqué par écrit les conditions et restrictions imposées à McCarrick par le pape Benoît XVI.
– Le cardinal Ouellet admet que ces restrictions interdisaient à McCarrick de voyager ou de se présenter en public.
– Le cardinal Ouellet admet que la congrégation des évêques, par écrit, d’abord par l’intermédiaire du nonce Sambi, puis une fois encore par moi, a demandé à McCarrick de mener une vie de prière et de pénitence.
Que conteste le cardinal Ouellet ?
– Le cardinal Ouellet conteste la possibilité que le pape François aurait pu se souvenir des informations importantes concernant McCarrick en ce jour où il avait rencontré des dizaines de nonces et ne leur avait consacré à chacun que quelques instants de conversation. Mais ce n’est pas mon témoignage. Mon témoignage est que lors d’une deuxième réunion privée, j’ai informé le pape répondant à sa propre question sur Theodore McCarrick, alors cardinal-archevêque émérite de Washington, figure de proue de l’Église aux États-Unis, en disant au pape que McCarrick avait corrompu sexuellement ses propres séminaristes et prêtres. Aucun pape ne peut oublier cela.
– Le cardinal Ouellet conteste l’existence dans ses archives de lettres signées par le pape Benoît XVI ou le pape François concernant des sanctions à l’encontre de McCarrick. Mais ce n’est pas mon témoignage. Mon témoignage est qu’il avait dans ses archives des documents essentiels – quelle que soit leur provenance – incriminant McCarrick et relatifs aux mesures prises à son égard, ainsi que d’autres preuves concernant la dissimulation de sa situation. Et je le confirme à nouveau.
– Le cardinal Ouellet conteste l’existence dans les dossiers de son prédécesseur, le cardinal Re, de «mémos d’audience» imposant à McCarrick les restrictions déjà mentionnées. Mais ce n’est pas mon témoignage. Mon témoignage est qu’il existe d’autres documents : par exemple, une note de Card Re non ex-Audientia SS.mi, signée par le Secrétaire d’État ou par le substitut.
– Le cardinal Ouellet conteste qu’il est faux de présenter les mesures prises contre McCarrick comme des «sanctions» décrétées par le pape Benoît XVI et annulées par le pape François. Vrai. Il ne s’agissait pas techniquement de «sanctions», mais de dispositions, de «conditions et de restrictions». Débattre pour savoir s’il s’agissait de sanctions ou de dispositions, ou autres, relève du pur légalisme. D’un point de vue pastoral, c’est exactement la même chose.
En résumé, le cardinal Ouellet admet les déclarations importantes que j’ai faites et que je fais, et conteste celles que je ne fais pas et n’ai jamais faites.
Il y a un point sur lequel je dois absolument réfuter ce que le cardinal Ouellet a écrit. Le cardinal a déclaré que le Saint-Siège n’était au courant que de «rumeurs», qui n’étaient pas suffisantes pour justifier des mesures disciplinaires à l’encontre de McCarrick. J’affirme au contraire que le Saint-Siège était au courant de divers faits concrets et disposait de preuves documentées. Les personnes responsables ont néanmoins choisi de ne pas intervenir ou ont été empêchées de le faire. La compensation, par l’archidiocèse de Newark et le diocèse de Metuchen, aux victimes des violences sexuelles commises par McCarrick, les lettres du père Ramsey, des nonces Montalvo en 2000 et Sambi en 2006, du Dr Sipe en 2008, mes deux notes aux supérieurs du Secrétariat d’État qui décrivaient en détail les allégations concrètes portées contre McCarrick : seulement des rumeurs? Ce sont des correspondances officielles et non des potins de sacristie. Les crimes rapportés étaient très graves, notamment ceux qui visaient à donner l’absolution sacramentelle aux complices d’actes pervers, puis à la célébration sacrilège de la messe. Ces documents précisent l’identité des auteurs et de leurs protecteurs, ainsi que la chronologie des faits. Ils sont conservés dans les archives appropriées, et aucune enquête extraordinaire n’est nécessaire pour les récupérer.
Dans les remontrances publiques dirigées contre moi, j’ai noté deux omissions, deux silences dramatiques. Le premier silence concerne le sort des victimes. Le second silence concerne la cause principale de tant de victimes, à savoir l’influence de l’homosexualité dans la corruption des prêtres et de la hiérarchie. En ce qui concerne le premier point, il est consternant de constater que, malgré tous les scandales et l’indignation, l’on n’accorde que peu d’attention à ceux qui ont été victimes de prédateurs sexuels qui ont été ordonnés ministres de l’Évangile. Il ne s’agit pas de régler des comptes ou de questions concernant les carrières ecclésiastiques. Ce n’est pas une question de politique. Il ne s’agit pas de savoir comment les historiens d’Église peuvent évaluer tel ou tel pontificat. Ceci concerne les âmes. De nombreuses âmes ont été et sont encore en danger pour leur salut éternel.
En ce qui concerne le deuxième silence, cette très grave crise ne peut être correctement réglée et résolue que si nous appelons les choses sous leur vrai nom. C’est une crise due au fléau de l’homosexualité, de ses agents, de ses motivations, de sa résistance aux réformes. Il n’est pas exagéré de dire que l’homosexualité est devenue un fléau pour le clergé et qu’elle ne peut être éradiquée qu’avec des armes spirituelles. C’est une énorme hypocrisie que de condamner les agressions, de prétendre pleurer pour les victimes et de refuser de dénoncer la cause première de tant d’agressions sexuelles : l’homosexualité. C’est une hypocrisie de refuser de reconnaître que ce fléau est dû à une grave crise dans la vie spirituelle du clergé et de ne pas prendre les mesures nécessaires pour y remédier.
Il existe indiscutablement dans le clergé des violations sexuelles aussi avec les femmes, et celles-aussi nuisent aux âmes de ceux qui les pratiquent, à celles de ceux qu’ils corrompent et à l’Église en général. Mais ces violations du célibat sacerdotal se limitent généralement aux individus immédiatement impliqués. Les membres de ce clergé ne recrutent généralement pas d’autres personnes, ne travaillent pas pour les promouvoir, ne dissimulent pas leurs méfaits ; tandis que les preuves démontrant combien l’homosexualité soit endémique, se diffuse par contagion, avec des racines profondes qui sont si difficiles à éradiquer, sont accablantes.
Il est bien établi que les prédateurs homosexuels exploitent à leur avantage les privilèges cléricaux. Mais prétendre que la crise elle-même est du cléricalisme est un pur sophisme. C’est prétendre qu’un moyen, un instrument est en fait le motif principal.
Dénoncer la corruption homosexuelle et la lâcheté morale qui lui permet de s’épanouir ne fait pas l’objet de félicitations ces jours-ci, pas même dans les plus hautes sphères de l’Église. Je ne suis pas surpris qu’en attirant l’attention sur ces fléaux, je suis accusé de déloyauté envers le Saint-Père et d’avoir fomenté une rébellion ouverte et scandaleuse. Pourtant, la rébellion impliquerait d’inciter d’autres personnes à renverser la papauté. Je ne demande rien de tel. Je prie tous les jours pour le pape François, plus que je ne l’ai jamais fait pour les autres papes. Je demande, même je supplie instamment, que le Saint-Père réponde aux engagements qu’il a assumé. En acceptant d’être le successeur de Pierre, il a pris sur lui la mission de confirmer ses frères et de guider toutes les âmes à suivre le Christ, dans le combat spirituel, le long du chemin de la croix. Qu’il admette ses erreurs, se repente, et montre sa volonté de suivre le mandat confié à Pierre et, une fois converti, qu’il confirme ses frères (Lc 22, 32).
En conclusion, je voudrais réitérer mon appel mes confrères évêques et prêtres qui savent que mes affirmations sont véridiques et qui peuvent en témoigner, ou qui ont accès à des documents qui peuvent faire la lumière sans l’ombre d’un doute sur cette affaire. Vous aussi, vous avez un choix à faire. Vous pouvez choisir de vous retirer de la bataille, de soutenir la conspiration du silence et de détourner vos yeux de la corruption qui se répand. Vous pouvez inventer des excuses, des compromis et des justifications qui retardent le jour du jugement. Vous pouvez vous consoler avec le mensonge et l’illusion qu’il sera plus facile de dire la vérité demain, puis le lendemain, et ainsi de suite.
D’autre part, vous pouvez choisir de parler. Vous pouvez faire confiance à Celui qui nous a dit: « La vérité vous libérera. » Je ne dis pas qu’il sera facile de choisir entre le silence et parler. Je vous exhorte à considérer quel choix sur votre lit de mort, puis devant le juste juge, vous ne regretterez pas de d’avoir fait. »
Carlo Maria Viganò
Arcivescovo tit. di Ulpiana
Nunzio Apostolico19 Ottobre 2018
Fête des Saints Martyrs Nord-Américains »
Francesca de Villasmundo
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