Zemmour choquerait une majorité de Français, par ses thèses sur le Suicide qui les concerne … C’est du moins ce qui ressortirait d’un sondage réalisé (cela ne s’invente pas) par « odoxa » pour « Le Point ».
Il est permis de douter que mille personnes représentent fidèlement 66 millions de Français, surtout en regard de l’incroyable succès de ce livre, et par ailleurs, le détail de leurs réponses serait pour le moins plus nuancé.
Faudrait-il, cependant, se montrer aussi pessimiste que l’écrivain, en validant ce résultat ?
Parmi ceux qui réagissent, qui donc le fait après lecture ? Certes, pas ceux qui ne savent pas lire, dont le pourcentage, au sens strict du mot « illettré », augmente au fur et à mesure que, selon 2 célèbres sociologues, le niveau scolaire monte. Il faut y ajouter ceux qui ne peuvent jamais lire un livre, et ceux qui ne savent pas restituer ce que dit un texte : tout professeur digne de ce nom en a fait la lourde expérience. La majorité est peut-être ainsi déjà atteinte. Il y a encore, moins nombreux, ceux qui achètent un livre pour être à la mode, sans le lire, ou seulement pour le parcourir. Il y a surtout ceux qui, fort occupés, se contentent de ce qu’en disent les « journalistes », vedettes et personnalités des télés et radios « mainstream », ou, catégorie supérieure, leur site internet favori.
Or, que disent-ils le plus souvent du livre incriminé, surtout lorsque l’auteur n’est pas là pour se défendre ?
Essentiellement, ils affirment qu’ils sont « choqués » et qu’ils ont sursauté à ceci ou à cela. L’échange entre Léa Salamé et Eric Zemmour dans l’émission « On n’est pas couché » fut à cet égard exemplaire : cette journaliste n’est pas une idiote, même utile, à l’inverse de ce qu’a montré, dans la même émission, Anne Dorval qui étouffe dans sa robe, en perd ses épingles à cheveux, et se tient la tête à deux mains en hurlant pour exprimer sa consternation, aidée par un public de son niveau.
Non, Léa Salamé n’est pas une idiote, mais elle est tout de même soucieuse d’être utile en faisant «comme si». Pour des raisons qui lui appartiennent et que l’on croit facilement deviner, cette fille de ministre chrétien libanais se met au service de la doxa et le dit avec force, quitte, comme elle le dit encore, à penser contre elle-même.
Ces propos, et ceux qui les ont entourés, sont révélateurs : il ne s’agit pas d’établir ce qui est vrai, mais d’être « choqué » par une atteinte à la doxa, c’est-à-dire à l’opinion supposée « droite » parce que politiquement correcte, convenue par (ou plutôt pour) le plus grand nombre. Le choc émotionnel se substitue à l’argumentation qui soutient un discours visant la vérité, et la disqualifie auprès de ceux-qui-ne-lisent-pas, et qui donc refusent de s’enquérir de la complexité du réel et tiennent la vision simpliste du monde pour la pure simplicité des principes.
Sur la question de Vichy et des juifs en tous cas Zemmour ne soutient pas une thèse, mais présente un fait incontestable, même si des « historiens » carriéristes (et donc, sur ce point, conformistes et négationnistes au sens propre) nient l’évidence factuelle : Vichy a sauvé pour le moins beaucoup de juifs français. Il ne rencontre aucune réfutation, mais indignations, sentences de ces prétendues autorités, et, surtout, jugements sur ses intentions supposées et sur les intolérables conséquences possibles de ses écrits contre le règne de la doxa.
Les non-lecteurs les écoutent (comment les éviter ?), constatent leur convergence ainsi que celle des moutons sélectionnés pour les plateaux TV, et se font leur « avis » selon, comme c’est à craindre … la doxa.
Dès 1905, paraissait L’avenir de l’intelligence de Charles Maurras, où il prophétisait la probable défaite de celle-ci, dans nos fausses démocraties, même s’il cherchait à l’éviter. 82 ans plus tard, c’était L’intelligence en péril de mort de Marcel de Corte. Nous y sommes, comme l’analyse d’ailleurs Zemmour, quand l’émotion de la doxa « choquée » fait d’une voix dominante la chasse au raisonnement.
Il faut pourtant lire ou relire ces ouvrages ; leur force, comme disait à peu près un célèbre chant royaliste, est d’avoir eu raison, mais Maurras aurait dit également que le désespoir en politique est une stupidité. Donc, pas de pessimisme zemmourien pour autant !
Patrick Malvezin
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