La construction d’un complexe résidentiel et hôtelier de 300 millions de CHF au bord du lac de Gruyère, à 50 % de capitaux chinois, relance la polémique sur la campagne agressive du Céleste Empire. Dans ce cas précis, il s’agit d’une pointure au sein du régime communiste. Li YongJun n’est pas le premier venu : membre de l’UNESCO, il préside la section asiatique de la Global Hope Coalition, une puissante officine mondialiste chargée de lutter contre l’extrémisme (sauf celui de gauche) et l’intolérance (sauf celle contre les « impurs »), tout en ayant fait fortune dans l’immobilier et l’hôtellerie en Chine par le biais de l’entreprise Yong Xin Hua Yun Cultural Industry Group. Un homme de confiance, n’en doutons pas. Les autres partenaires sont l’entrepreneur Michel Benedetti à hauteur de 30 % et les Müller (Urs et Martine) à hauteur de 20 %.
Appelé Golf Resort La Gruyère, cet établissement sera un projet immobilier et touristique unique en Suisse, comprenant un hôtel haut de gamme de 80 chambres et suites, trois restaurants dont un gastronomique, des salles de séminaire, un centre de bien-être (spa) de 2.500 m2, 20 à 30 résidences hôtelières (entre 80 et 120 m2) gérées par l’hôtel, 105 appartements de grand luxe de 2 à 5 ½ pièces vendus à des Suisses et à des étrangers, ainsi que le golf 18 trous redessiné et agrandi. Le tout, construit en trois étapes, le tout dans une commune de 600 habitants, Pont-la-Ville. Les partisans du projet font miroiter la création 150 à 160 emplois, tout en apportant à la commune de nouveaux contribuables, voire de riches étrangers au forfait fiscal (une demi-douzaine), sans avoir à construire de nouvelles écoles, routes ou salles communales…
Ce projet se place dans un contexte d’investissement massif des Chinois dans l’hôtellerie de luxe helvète. Le Mirador Resort & Spa à Chardonne (Vaud) appartient depuis 2016 à un financier de Hongkong, Hon Kwok Lung, 64 ans, originaire de la province du Fujian et créateur de deux compagnies horlogères chinoises, après avoir racheté les montres suisses Corum et Eterna, à Granges (Soleure), les montres Rotary Watches à Londres et Dreyfuss à La Chaux-de-Fonds et une banque privée au Liechtenstein, la Bendura Bank (ex-Valartis Bank). Le Baron Tavernier à Chexbres a été acquis en 2014 à son propriétaire grec par un autre groupe chinois, BT Gestion, de Hongkong. Le Roy Alp de Villars-sur-Ollon (Vaud), a pour nouveau propriétaire un grand groupe chinois de la fintech, actif également dans l’hôtellerie, le golf et les vins du Bordelais et de Bourgogne. A ce sujet, le directeur général de l’hôtel, Philippe Attia, commente : «C’est leur neuvième projet après d’autres hôtels en Angleterre et en Irlande, mais c’est leur premier palace en Suisse, où ils prévoient d’autres acquisitions. Après avoir sillonné les grandes villes européennes, les touristes chinois apprécient les stations de montagne et leur air pur qui contraste avec l’atmosphère polluée des villes chinoises. Les Chinois se mettent aussi au ski et la perspective des prochains JO d’hiver de Pékin en 2022 devrait les pousser sur les pistes. Le nombre de skieurs en Chine est passé de 10.000 en 1996 à 12,5 millions. L’Ecole de ski de Villars a du reste accueilli des moniteurs de ski chinois.»
Mois après mois, la liste s’allonge : Hôtel du Golf et Spa à Villars, Hôtel Mirador au Mont-Pèlerin, Grand Hôtel Yitlis Palace à Engelberg (Obwald) acquis par le financier Yunfeng Gao, 890 millions $ de fortune et déjà propriétaire de l’Hôtel Palace de Lucerne racheté au Crédit Suisse. Et il n’y pas que la Suisse de visée. Malgré les lois de restrictions imposées par Pékin pour stopper les fuite des capitaux, HNA a acquis le quart des hôtels Hilton pour 6,25 milliards $, et Jin Jiang a acheté à Starwood Capital le Louvre Hotels Group. Avec ce groupe créé par la famille Taittinger, Jin Jiang Louvre Asia compte 2.500 hôtels dans 52 pays. On peut également ajouter l’achat du studio hollywoodien Legendary Entertainment pour 3,5 milliards $, le club de football de l’AC Milan ou le Club Med racheté par Fosun Group. Après l’achat au printemps 2016 de 1400 hôtels en mains de Carlson, propriétaire notamment de la chaîne Radisson, les Chinois sont devenus les plus importants acquéreurs de biens immobiliers commerciaux aux Etats-Unis.
Les entreprises suisses ne sont pas non plus à l’abri. En janvier 2017, la presse économique annonçait que 19 entreprises suisses d’importance avaient été rachetées par les Chinois en deux ans , dont le géant suisse de l’agroalimentaire Syngenta (acquis par ChemChina pour 43,3 milliards $, cette entreprise ayant de plus pris 12 % de Mercuria en janvier 2016), les spécialistes de la logistique pour le transport aérien Swissport (acquis pour 2,9 milliards) et l’entreprise spécialisée dans les plateaux-repas des avions Gategroup (1,92 milliard $) tandis que Infront Sport & Media a été racheté par Dalian Wanda Group pour 1,2 milliard $. Les années précédentes, c’était l’entreprise de négoce du fer Duferco International qui fut rachetée par Hebei Iron and Steel Group et la société pétrolière Addaw Petroleum par Sinopec.
Esaü a vendu son droit d’aînesse pour un plat de lentilles, il ne faudrait pas que Guillaume Tell vende le sien pour un bol de riz…
Hristo XIEP
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