La journaliste Priska Ducoeurjoly nous dévoile une réalité dont les médias du système ne parlent pas.
Malgré l’annonce gouvernementale, le confinement est maintenu en Ehpad. En réalité, il semble que l’Agence régionale de santé fasse de la résistance, elle ne traduit pas cette mesure dans son nouveau protocole (voir page 3 – 5).
Après un silence assourdissant sur la situation des Ehpad lors de la conférence de presse du 28 mai, cette annonce d’assouplissement faite deux jours plus tard, reste assez faiblarde côté déconfinement des aînés (masque, limite des visiteurs…). Mais elle devait autoriser les visites en chambre des proches. Une annonce qui a donné beaucoup d’espoir pour la Fête des Mères, les familles espérant bien passer un moment réunies ce dimanche 7 juin prochain.
Les visites restent restreintes et confinées dans un espace dédié, avec distanciation sociale. Les proches ne peuvent toujours pas se rendre dans les chambres. C’est la conséquence de la carte blanche accordée aux Agences régionales de santé (ARS) par le gouvernement, l’annonce s’apparente en fait à une simple recommandation.
La responsable des familles de la maison de retraite, que j’ai pu rencontrer ce mercredi 3 juin, s’indigne de ce double discours et estime qu’il y a bras de fer entre l’agence régionale de santé et le gouvernement. Elle estime aussi que les directeurs des maisons de retraites se rangent plutôt du côté de l’Agence régionale de santé, car ils sont issus de la même «bureaucratie». Personne n’a envie d’assumer un problème avec le déconfinement…
Un visiteur exprime sa déception auprès de l’animatrice qui le reçoit. Cette dernière passe plus de temps à renforcer l’intendance qu’à faire de métier d’animation. Elle confirme que l’Agence régionale de santé ne permet pas de traduire dans la vie de l’établissement l’annonce du gouvernement. Elle le déplore, mais elle dit qu’elle doit appliquer les règles… Elle confirme aussi que les visites seront toujours limitées à trois après-midi par semaine, sur trois ou quatre créneaux horaires de 30 minutes, mais on pourra être quatre.
De nombreuses familles n’ont toujours pas vu leurs proches
Le gouvernement a-t-il vraiment le droit de séparer les familles?
Côté sortie à l’extérieur, si un ancien s’absente pour un week-end en famille ou pour une visite médicale, il sera confiné au retour pendant 14 jours dans sa chambre. « On va maintenant parler en tant que client. On paye un service qui coûte cher. Peut-être que ce langage sera mieux compris ».
La situation devient vraiment tendue. Le personnel semble à bout de nerfs, pris en étau entre les nouvelles instructions contradictoires de l’Agence régionale de santé et les pressions de plus en plus fortes des familles.
Difficile de savoir si un bras de fer existe, mais le double discours est bien là. Une pétition circule sur change.org pour tenter de faire céder les mesures de confinement. Une autre sur mesopinions.com pour dire stop aux mesures « drastiques, inadaptées, illogiques et cruelles de confinement ».
Le rivotril, autorisation prolongée
A noter que la prescription du controversé Rivotril a été reconduite (hors AMM) dans le décret du 31 mai (voir article 51). Ce médicament avait été exceptionnellement autorisé dans le cadre de la surcharge hospitalière liée à la crise, pour aider les aînés à soulager leur agonie en maison de retraite à défaut de les admettre en hôpitaux. Les hôpitaux ne sont pourtant plus surchargés aujourd’hui.
A quoi servent les recettes de la journée de la solidarité?
Sur Twitter, les internautes font remarquer que le lundi de pentecôte, qui vient de passer, a été déclaré journée de la solidarité depuis la canicule de 2003 (voir article wikipedia). Un impôt supplémentaire qui avait fait grand bruit mais qui était passé grâce à l’argument de la solidarité. Total, environ 2,5 milliards d’euros annuels sensés assurer une meilleure prise en charge. Sur le terrain, la situation des personnels et des résidents reste pourtant tout aussi précaire.
L’Ehpad est devenu une prison
La fondation Alzheimer tire la sonnette d’alarme dans un communiqué du 2 juin. « Depuis les annonces du 20 avril, des Ehpad s’interdisent encore aujourd’hui d’organiser des visites. D’autres établissements le font, mais trop souvent dans de mauvaises conditions. Et pendant ce temps, les résidents et les familles en subissent les conséquences ». France Alzheimer demande que l’Etat donne des directives claires aux Ehpad. « »La santé ne se résume pas à la santé physique »
« Pour des résidents, l’Ehpad est devenu une prison. “Mon père y était déjà malheureux”, explique un médecin-gériatre de l’Oise dont le père, touché par la maladie d’Alzheimer, réside dans un Ehpad du Nord. “Nous portions une part de culpabilité en l’ayant placé et nous la compensions en étant très présents. Mais la pandémie a complètement rompu le lien. Les courriers, les appels en visioconférence… C’est bien, c’est mieux que rien, surtout pour les familles qui habitent loin, mais cela ne suffit pas. La crise sanitaire a aggravé la maladie de mon père. Les troubles du comportement se sont amplifiés. Il se replie sur lui-même. Les visites ? C’est du genre carcéral, et 20 minutes toutes les trois semaines.” »
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