Après avoir explicité les raisons de cet envoi dans une première partie, dans un deuxième temps, il a commenté la confusion et le désarroi qu’il perçoit chez les prêtres à cause des ambiguïtés de l’Exhortation bergoglienne, sources de multiples interprétations. Dans une troisième partie ci-dessous, le cardinal Caffarra fait le procès, à juste titre, de la conception moderne du pardon de Dieu et de la conscience qui inspirent le subjectivisme contenu dans Amoris Laetitia. Ainsi que nous l’avons déjà noté, il s’appuie sur l’enseignement conciliaire et post-conciliaire pour défendre l’indissolubilité du mariage et la discipline sacramentelle traditionnelle. Or les erreurs libérales, et apostates, d’Amoris laetitia sont en germe dans l’enseignement moderniste et progressiste du Concile. Par exemple, dans le décret conciliaire Gaudium et Spes qui exalte l’homme : «tout sur terre doit être ordonné à l’homme comme à son centre et à son sommet ». L’Église y proclame les droits de l’homme et la liberté absolue de l’homme et de sa conscience. Amoris Laetitia pousse ces raisonnements à leur point ultime ! Si l’action de ces quatre cardinaux romains est donc louable, il n’en reste pas moins que si les causes profondes de la confusion ne sont pas discernées, jugées et condamnées, elles produiront à nouveau les mêmes erreurs morales à l’avenir, dans un cercle vicieux sans fin.
Faut-il noter d’ailleurs que depuis un demi-siècle de nombreuses erreurs doctrinales qui favorisent l’hérésie tels les éloges de l’hérétique Luther émis tant par Jean-Paul II que François, et d’actes proprement blasphématoires et apostats telles les réunions œcuméniques d’Assise mises à la mode par le pape polonais et reprises par tous ses successeurs, ont largement relativisé, sapé et miné la doctrine et la morale catholique sans soulever, à part chez quelques irréductibles dinosaures catholiques, de réactions scandalisées au sein des ecclésiastiques conciliaires. Plutôt un silence éloquent…Presque toutes les barrières doctrinales et liturgiques ont ainsi été jetées à bas en 50 ans sous le regard impassible de ces mêmes cardinaux qui aujourd’hui s’émeuvent des dérives morales bergogliennes !
Aujourd’hui, c’est en effet, après que les autres enseignements traditionnels de l’Église ont été détruits, au tour de l’enseignement moral de l’Église de prendre des coups. François le bouleverse savamment, en s’appuyant, rappelons-le sur le concile Vatican II. Or en attaquant l’indissolubilité du mariage il porte préjudice aussi à l’unité naturelle de la cellule familiale, base première de la société, et ébranle, par ricochet, la loi morale naturelle inscrite en chaque homme. Toute personne saine, croyante ou incroyante, perçoit alors que l’altération de la loi morale naturelle, couplée avec l’érection de la conscience individuelle comme critère suprême du bien et du mal, aura des effets dévastateurs, ravageurs, exterminateurs, sur la société toute entière, les règles morales, la vie sociale, la justice, l’unité familiale… L’Individu-Roi s’érigera en maître absolu du bien et du mal selon son propre plaisir et sans plus aucunes limites naturelles : c’est le retour à la barbarie garanti mais ce sera pire que la barbarie !
Pour que la société moderne ne sombre pas totalement dans cette barbarie anti-civilisationnelle, anti-naturelle et inhumaine qui avance à grands pas, la lutte contre Amoris Laetitia est donc, et avant tout peut-être, une lutte primordiale pour la survie de la loi naturelle mise à mal ouvertement par les idéologies homosexualistes, transhumanistes et gender, mais aussi actuellement par des ecclésiastiques imbus d’esprit du monde. L’enjeu est donc non seulement catholique mais aussi anthropologique ! Le cardinal Caffarra semble bien en être conscient.
En revenant sur le problème des paragraphes ambigus d’Amoris Laetitia, il se penche sur le problème des actes intrinsèquement mauvais en eux-mêmes et par eux-mêmes :
« Ici [dans Amoris laetitia], ce qui est en question est ce qu’enseigne Veritatis splendor. Cette encyclique (6 août 1993) est un document hautement doctrinal, dans les intentions du pape « saint » Jean-Paul II, au point que, chose exceptionnelle désormais dans les encycliques, elle est adressée seulement aux évêques en tant que responsables de la foi que l’on doit croire et vivre (cf. n°5). Le pape, à la fin, leur recommande d’être vigilants par rapport aux doctrines condamnées ou enseignées par l’encyclique elle-même. Les unes pour qu’elles ne se diffusent pas dans les communautés chrétiennes, les autres pour qu’elles soient enseignées (cf. n° 116). Un des enseignements fondamentaux du document consiste à dire qu’il existe des actes qui peuvent par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances dans lesquelles ils sont réalisés et du but que le sujet se propose, être qualifiés de mauvais. Et il ajoute que nier ce fait peut comporter une négation du sens du martyre (cf. n° 90-94). Chaque martyr en effet aurait pu dire : « Mais moi je me trouve dans une circonstance … en de telles situations que l’obligation de professer ma foi ou d’affirmer l’intangibilité d’un bien moral ne m’oblige plus. » Pensons aux difficultés que la femme de Thomas More faisait à son époux déjà condamné en prison : « Tu as des devoirs envers la famille, envers les enfants. » Ce n’est donc pas seulement un discours de foi. Même si j’utilise seulement la droite raison, je vois que nier l’existence d’actes intrinsèquement mauvais, c’est nier qu’il existe une frontière que les puissants de ce monde ne peuvent et ne doivent pas outrepasser. Socrate a été le premier en Occident à comprendre cela. La question est donc grave, et sur cela on ne peut laisser d’incertitudes. C’est pourquoi nous nous sommes permis de demander au pape de clarifier les choses puisqu’il y a des évêques qui semblent nier ce fait en se référant à Amoris laetitia. L’adultère en effet a toujours été considéré un acte intrinsèquement mauvais. Il suffit de lire ce que dit Jésus le concernant, saint Paul et les commandements donnés à Moïse par le Seigneur. »
La confusion consiste aujourd’hui à excuser le péché jusqu’au stade de le favoriser sous le prétexte que Dieu pardonne tout :
« Ici on fait une grande confusion, explique le cardinal. Tous les péchés et les choix intrinsèquement malhonnêtes peuvent être pardonnés. Donc « intrinsèquement malhonnête » ne signifie pas «impardonnable.» Jésus cependant ne se contente pas de dire à la femme adultère : « Moi-aussi je ne te condamne pas. » Il lui dit aussi : « Va et dorénavant ne pèche plus. » (St Jean 8, 12). Saint Thomas, s’inspirant de saint Augustin, fait un commentaire très beau quand il écrit que «Il aurait pu dire : va et vis comme tu veux, sois certaine de mon pardon. Nonobstant tous tes péchés, je te libère des tourments de l’enfer. Mais le Seigneur qui n’aime pas la faute et ne favorise pas le péché, condamne la faute… en disant : et dorénavant ne pèche plus. On voit ainsi combien le Seigneur apparaît tendre dans sa miséricorde et juste dans sa Vérité. » Nous sommes vraiment, et ce n’est pas une façon de parler, libres devant le Seigneur. Et donc le Seigneur ne nous jette pas à la figure son pardon. Il doit y avoir un merveilleux et mystérieux mariage entre l’infinie miséricorde de Dieu et la liberté de l’homme, lequel doit se convertir pour être pardonner. »
La confusion qui règne à propos d’Amoris Laetitia dérive également d’une conception moderniste de la conscience individuelle : nombreux sont les pasteurs qui croient que la conscience est une faculté pour décider de façon autonome ce qui est bien ou mal et qu’en dernier recours la parole décisive revient à la conscience de l’individu. Pour le cardinal Caffarra c’est le point le plus important :
« Je retiens que cela soit le point le plus important de tous. C’est le point sur lequel nous nous rencontrons et nous nous affrontons avec la colonne portante de la modernité. » (Traduction de Francesca de Villasmundo)
(En raison de la longueur de l’explication du cardinal Caffarra, la suite sera traduite et publiée demain.)
Francesca de Villasmundo
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