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Ce geste éminemment démocratique a provoqué la même réaction des oligarques de l’Union, que le rejet de la constitution européenne par la France et la Hollande, consultées par référendum.
Déclaration d’Alexis Tipras le soir du 26 juin à la télévision d’Etat grecque :
«Après cinq mois de négociations, nos partenaires en sont venus à nous poser un ultimatum, ce qui contrevient aux principes de l’UE et sape la relance de la société et de l’économie grecque. Ces propositions violent absolument les acquis européens. Leur but est l’humiliation de tout un peuple, et elles manifestent avant tout l’obsession du FMI pour une politique d’extrême austérité. (…) Notre responsabilité dans l’affirmation de la démocratie et de la souveraineté nationale est historique en ce jour, et cette responsabilité nous oblige à répondre à l’ultimatum en nous fondant sur la volonté du peuple grec. J’ai proposé au conseil des ministres l’organisation d’un référendum, et cette proposition a été adoptée à l’unanimité» .
Jacques Sapir analyse les enseignements de la déclaration d’Alexis Tsipras
Il convient de lire attentivement ce texte, qui n’est pas que de circonstances. En effet, on peut retirer de cette courte déclaration trois points importants.
Le premier est que le désaccord entre le gouvernement grec et ses partenaires a été d’emblée politique. La BCE et la Commission Européenne n’ont eu de cesse que de rechercher une capitulation du gouvernement grec, ce que Tsipras appelle «l’humiliation de tout un peuple». Ce que cherche l’Union européenne, par le biais de l’Eurogroupe, c’est de cautériser le précédent ouvert par l’élection de janvier 2015 en Grèce. Il s’agit de faire la démonstration non seulement en Grèce, mais ce qui est en fait bien plus important en Espagne, en Italie et en France, qu’on ne peut «sortir du cadre de l’austérité» tel qu’il a été organisé par les traités comme l’avait affirmé dès l’élection du 25 janvier Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission européenne.
Le deuxième point important de cette déclaration est que, pour la première fois un dirigeant légalement élu et en fonction déclare que les institutions européennes font des propositions qui, dans leur fond comme dans leur forme «violent absolument les acquis européens». C’est une accusation très grave. Elle revient à dire que les institutions européennes qui sont censées être des garants de la démocratie agissent au contraire de celle-ci. Elle revient aussi à dire que ces mêmes institutions, dont la légitimité n’existe que par délégation de la légitimité des Etats membres, ont des comportements qui violent la légitimité et la souveraineté de l’un des dits Etats membres. Cela revient donc à dire que les institutions de l’Union européennes se sont constituées en Tyrannus ab exercitio soit en un pouvoir qui, tout en étant issu de procédures légitimes, se conduit néanmoins en Tyran. Cela revient à contester radicalement toute légitimité aux instances de l’Union européenne.
Le troisième point se déduit des deux premiers. Il est contenu dans la partie du texte qui dit: «Notre responsabilité dans l’affirmation de la démocratie et de la souveraineté nationale est historique en ce jour, et cette responsabilité nous oblige à répondre à l’ultimatum en nous fondant sur la volonté du peuple grec». Il place désormais les enjeux non plus au niveau de la dette mais à celui des principes, de la démocratie comme de la souveraineté nationale. Et c’est en cela que l’on peut parler d’un véritable «moment gaullien» chez Alexis Tsipras. Il a osé poser la question de l’austérité et du référendum, et a reçu un soutien unanime, y compris des membres de l’ANEL, le petit parti souverainiste allié à SYRIZA. Il s’est ainsi réellement hissé à la stature d’un dirigeant historique de son pays.
Les réactions des responsables de l’Union européenne ont aussitôt confirmé l’arbitraire de cette union, qui agit en despote à travers des commissions et de hauts commissaires qui n’appuient leur autorité sur aucune légitimité directe et qui sont aujourd’hui des oligarques qui abusent de leurs positions et s’entre-désignant.
Le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a immédiatement annoncé que les pourparlers étaient rompus. Junker s’est dit trahi par l’annonce de ce référendum qui prend l’Union de court, Angela Merkel et François Hollande y sont allés, eux aussi, de leur mine déconfites et d’appel-avertissements solennels en direction des Grecs pour le cas où ils choisiraient de refuser l’ultimatum de l’Eurogroupe.
Cette troïka de banksters est en grande partie responsable de la faillite de la Grèce, puisque ce sont les banques avec l’appui de commissaires de l’Union européenne qui ont encouragé les Grecs à s’endetter, leur laissant l’illusion que les crédits seraient illimités. Cette énorme dette n’aura pas apporté d’ investissements vraiment utiles à la Grèce mais plutôt des dépenses somptuaires comme celles des jeux olympiques d’Athènes ou bien des maisons individuelles qui ont endetté leurs propriétaires bien au-delà de leurs possibilités avec des incitations très fortes à une surenchère d’endettement. Et non contents d’avoir entraîné les Grecs, qui jusque-là vivaient heureux avec leurs petits moyens et leur drachme, dans des dépenses surdimensionnées, ces mêmes autorités européennes ont ensuite déchargé les banques de leurs milliards de prêts que la Grèce ne pouvait plus honorer, pour les refiler essentiellement aux Allemands et aux Français… Et après comment s’étonner que la France soit de plus en plus endettée lorsqu’elle soulage les banques de leurs mauvais placements pour les intégrer dans les comptes publics, c’est-à-dire au compte des citoyens français, à raison de 600 à 1000 euros de dette par personne pour la France, suivant les différents calculs.
Nous savions qu’il serait impossible à la Grèce de rembourser la dette qui est à la charge de la France, mais si la Grèce sort de l’euro, le défaut sera officiel est définitif.
Il sera néanmoins fort intéressant, si le référendum fait sortir la Grèce de l’Euro et par conséquent, probablement de l’Union, d’observer comment celle-ci s’en sort et si toutes les Cassandre européïstes qui ne cessent de prédire l’apocalypse dans ce cas, ont bien interprété les augures.
Ce serait un précédent à suivre de prés pour Marine Le Pen, qui prône le retrait de la France de l’Union européenne et le retour au Franc, bien qu’un grand pays comme la France pèse beaucoup plus lourd que la Grèce sur l’échiquier de l’Union et même du monde. Tout est question de courage politique.
Des oligarques pour une tyranie
Les Etats de l’Union n’ont cédé leur souveraineté que parce qu’il s’agit d’un club d’oligarques qui se partagent des prébendes, et c’est l’un de ses plus petits membres et le plus démuni -et justement en raison de cela- qui administre aujourd’hui une magistrale leçon de souveraineté populaire aux autres états-membres, dont la France. A ce sujet Jacques Sapir énumère quelques réalités :
De fait, l’Eurogroupe a donc décidé d’exclure la Grèce de l’Euro. Ceci constitue à l’évidence un abus de pouvoir. Et il faut ici rappeler plusieurs points qui ne sont pas sans conséquences tant juridiquement que politiquement.
1. Aucune procédure permettant d’exclure un pays de l’Union Economique et Monétaire (non réel de la «zone Euro») n’existe actuellement. S’il peut y avoir une séparation, elle ne peut avoir lieu que d’un commun accord et à l’amiable.
2. L’Eurogroupe n’a pas d’existence légale. Ce n’est qu’un «club» qui opère sous couvert de la Commission Européenne et du Conseil européen. Cela signifie que si l’Eurogroupe a commis un acte illégal – et il semble bien qu’il en soit ainsi – la responsabilité en incombe à ces deux institutions. Le gouvernement grec serait donc fondé d’attaquer la Commission et le Conseil à la fois devant la Cour Européenne de Justice mais aussi devant la Cour Internationale siégeant à La Haye. En effet, l’Union européenne est à la base une organisation internationale. On le constate par exemple dans le statut, et les exemptions fiscales, des fonctionnaires européens. Or, la règle dans toute organisation internationale est celle de l’unanimité. Le traité de Lisbonne a bien prévu des mécanismes de majorité qualifiée, mais ces mécanismes ne s’appliquent pas à l’Euro ni aux questions des relations fondamentales entre les Etats.
3. Le coup de force, car il faut l’appeler par son nom, que vient de faire l’Eurogroupe ne concerne pas seulement la Grèce. D’autres pays membres de l’Union européenne, et l’on pense au Royaume-Uni ou à l’Autriche, pourraient eux-aussi attaquer devant la justice tant européenne qu’internationale la décision de fait prise par l’Eurogroupe. En effet, l’Union européenne repose sur des règles de droit qui s’appliquent à tous. Toute décision de violer ces règles contre un pays particulier constitue une menace pour l’ensemble des membres de l’Union européenne.
4.Il faut donc ici être clair. La décision prise par l’Eurogroupe pourrait bien signifier, à terme, la mort de l’Union européenne. Soit les dirigeants européens, mesurant l’abus de pouvoir qui vient d’être commis, se décident à l’annuler soit, s’ils persévèrent dans cette direction ils doivent s’attendre à une insurrection des peuples mais aussi des gouvernants de certains Etats contre l’Union européenne. On voit ainsi mal comment des Etats qui ont juste recouvré leur souveraineté, comme la Hongrie, la République Tchèque ou la Slovaquie, vont accepter de telles pratiques.
Ceci révèle au grand jour la nature fondamentalement antidémocratique des institutions de l’UE et le fait que cette dernière soit en train de se constituer en Tyrannie. Le silence des principaux responsables tant du PS que de l’ex-UMP (rebaptisée «Les Républicains») en dit long sur l’embarras d’une partie de la classe politique française. On le comprend, sans l’excuser.
Ce référendum qui a désagréablement surpris les oligarques qui nous gouvernent, renvoie au référendum sur la Constitution européenne qui en France avait vu le « non » l’emporter en dépit d’une ardente campagne officielle et quasi unanime de la classe politique en faveur du « oui ». Ce non au référendum avait fait capoter le projet de loi de la fédéralisation des pays de la Communauté Européenne. Dés lors les oligarques qui ont confisqué le pouvoir, vont se méfier du peuple et mettre au musée l’idée de tout référendum. Mais ils allaient faire passer subrepticement ce « non » du peuple en « oui » des oligarques par le traité de Lisbonne.
C’est donc une réelle provocation pour ce monde compassé qui évolue entre soi, que la mise devant le fait accompli d’un référendum de la part d’Alexis Tsipras. Le chef politique grec a agi en homme libre d’un peuple souverain, c’est une magistrale gifle aux mondialisme béat de l’Union européenne, qui ne lui sera certainement pas pardonnée… L’adversité pourrait révéler derrière un homme d’extrême gauche immigrationniste un véritable souverainiste prêt à relever le défi de l’avenir de son peuple. La souveraineté se mérite et l’avenir nous en dira davantage.
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