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Sous la monarchie, il y avait la noblesse de robe et la noblesse d’épée. L’une a précédé l’autre dans la constitution de l’Etat, car, avant que l’Etat moderne ne prenne sa forme presque achevée sous Philippe Auguste (1180-1223), il fallut lui permettre de naitre. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est la robe qui fut la première à ce service royal. Première dans la dévolution au loyalisme, elle permit au souverain édifice de s’élever en s’appuyant sur les contours juridiques et financiers dont il avait besoin : les hautes cours de justice et l’administration des finances, le Trésor. Ainsi se multiplièrent les régisseurs des domaines royaux et seigneuriaux, et les magistrats qui, à leurs côtés, veillaient au recouvrement des péages, des droits ou des amendes. Peu à peu, ce corps d’administrateurs professionnels fut placé sous l’autorité d’un organisme de coordination centrale, la Chancellerie. Ils constituèrent donc, dès le XIIe et le XIIIe s, les éléments essentiels à la structure étatique c’est-à-dire les piliers nécessaires à la vie puis la survie du souverain. Ceci, bien avant les affaires étrangères et la guerre. (1)
La noblesse d’épée, vint s’ajouter à la première et renforcer le fonctionnement de l’édifice royal dans son registre régalien des affaires étrangères. Le royaume avait vocation à s’agrandir et à lutter contre des adversaires proches ou plus lointains. Après les conquêtes ou les batailles venait le temps des négociations. Or, au XIIIe s, le siècle de Louis IX, les hostilités se maintinrent à un niveau modeste, et cet aspect paisible encouragea la diplomatie. St Louis régla les conflits l’opposant à l’Angleterre et à l’Aragon par des traités souvent suivis de négociations supplémentaires, et développa les traités de commerce qui se multiplièrent à cette époque dans toute l’Europe. (2)
Ce tout d’ordre fit du système monarchique une évidence tutélaire dans le régime institutionnel des puissances européennes. Plus particulièrement en France, contrairement à son voisin germanique qui succomba très tôt à la structure fédérale de l’Empire par la tendance des Princes à se maintenir en chefs de communautés locales plutôt qu’en agents de l’autorité centrale. La France, elle, quitta le féodalisme ou plus exactement le transforma pour placer l’autorité de ses comtes et de ses ducs sous l’autorité du roi et composer ainsi son conseil.
Ce petit clin d’œil historique devient ironique aujourd’hui. Car à l’heure où nous parlons, les institutions françaises, européennes, et même au-delà, se moquent comme d’une guigne de la robe ou de l’épée.
Au propre comme au figuré, la robe est passée de mode. Si elle est portée, c’est au titre du folklore.
Certes, magistrats et avocats continuent de l’arborer au prétoire, mais bien loin des accommodements nobiliaires de leurs ancêtres. Elle ne sert plus la cause qui jadis la déployait. La justice ne s’occupe plus que des minorités, les favorise au détriment du souverain bien, peut-être dans le but de substituer ces minorités à la majorité et d’en faire la majorité de demain.
La robe n’est pas davantage portée dans la rue, les femmes l’ont rejetée. Elle est devenue le souvenir d’un jour, celui des noces ; ou celui d’un soir, la robe de soirée. L’hiver, c’est le pantalon qui se montre, le plus souvent moulant, et le legging ou le caleçon, ultra-moulants. Plus la femme est grossière aux entournures plus elle est vulgaire dans sa tenue : Angela Merkel n’a plus rien de féminin, sa grâce s’est perdue dans les jambes de ses pantalons ; quant à Brigitte Macron, toute sa disgrâce s’éprouve dans le slim de ses jeans et des talons, à la Kiraz, qui les terminent.
L’été, la robe ne vole plus, ne louvoie plus sur le passage des femmes. Le short ou le mini short lui ont volé la place, celle que l’épée tenait à défendre lorsque l’honneur de la dame, dans sa robe, était outragé ou malmené.
L’épée précisément ! La voilà bien rangée dans son fourreau depuis des lustres. L’on ne guerroie plus à la pointe de l’épée pour défendre le territoire ni l’honneur de son nom. La noblesse du défi, la fougue du geste, se sont également perdues dans la logorrhée pacifiste du porteur de bermuda que la barbe de trois jours ne rend ni plus viril ni plus homme. Si la défense nationale existe encore, c’est sur les théâtres d’opérations extérieures. A l’intérieur, la matraque frappe celui qui se dresse pour défendre son pays, ses usages, sa religion, son histoire. La police ne protège plus les braves gens mais les accable de contraventions. L’armée ne vient plus au secours du roi ni du royaume mais demeure, l’arme au pied, passive devant l’envahisseur.
La robe et l’épée, symboles d’un Etat respecté et respectable, sont mortes. Sans elles, l’Etat n’est plus que l’ombre de lui-même. Un Etat fantôme, un simulacre d’Etat !
Gilles Colroy
et (2) Les origines de l’Etat moderne, Joseph R. Strayer. Payot 1979
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