Dominique Barthélémy est professeur d’histoire médiévale à Sorbonne Université et directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études. Il a publié plusieurs ouvrages sur le Moyen-Age et la chevalerie.
La Bataille de Bouvines (1214) continue de connaître un grand intérêt. Le mérite en revient en partie au récit de grande qualité qu’en a fait le Père Guillaume le Breton, chapelain du roi Philippe Auguste. Dans les Gesta en prose (comme peu après dans sa Philippide en vers), il fait de Bouvines le point d’orgue et la grande consécration du règne du grand Capétien. Présent sur le champ de bataille, Guillaume le Breton a vu ou entendu relater tout de suite beaucoup de choses. Il procure de ce fait un certain nombre de détails précieux dans un enchaînement palpitant de péripéties.
L’ost de Philippe Auguste risque tout d’abord d’être surpris et mis en déroute par l’attaque rapide et impromptue des ennemis sur son arrière-garde. Frère Guérin seul paraît lucide : cet hospitalier au service de Philippe Auguste tente de le convaincre de faire face rapidement, mais il a de la peine, et l’on se demande longtemps si le retard initial de la réaction française ne sera pas fatal. Les choses sont en effet laborieuses à « l’aile droite » de l’ost capétien, en dépit des belles conduites de barons et d’autres chevaliers. Au centre, on frôle la catastrophe quand le roi, jeté à terre, risque un instant d’être tué. Mais grâce à Dieu c’est l’empereur Otton qui se décourage : il ne se console pas de la mort de son plus beau cheval, et sa fuite entraîne ou accompagne celle de presque tous ses soutiens. Il reste encore aux Français loyaux d’âpres combats pour venir à bout du comte félon de Boulogne, Renaud de Dammartin, et de sergents brabançons particulièrement coriaces. Le roi Philippe Auguste interdit à ses hommes, trop éprouvés, de poursuivre les fuyards, et préfère assurer sa prise sur les nombreux captifs qu’ils lui ont déjà remis.
Le récit de Guillaume le Breton accroche également son lecteur par des épisodes à caractère dramatique, révélateurs ou catalyseurs de tensions politiques et sociales, posant ou résolvant des questions de morale. Il souligne le rôle presque décisif tenu par un évêque, Frère Guérin, maître tacticien et évêque élu de Senlis. Il note aussi l’intervention à la massue d’un autre évêque, Philippe de Beauvais.
Dominique Barthélémy vient compléter ce récit en décrivant l’éventail large d’ennemis rassemblés dans la coalition mise en échec par Philippe Auguste (Flandre, Allemagne, Angleterre, Francilien dévoyé…), les chevaliers présents à la bataille et leurs relations entre eux en dehors d’elle, puis la généalogie, la morphologie, les enjeux des récits du XIIIe siècle.
La Bataille de Bouvines, Dominique Barthélémy, éditions Perrin, 544 pages, 27 euros
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