Il y a quelques semaines, la situation était assez claire sur le champ de bataille syrien. Les Russes faisaient reculer les islamistes (affichés ou déguisés en modérés) par des bombardements intenses et meurtriers. L’armée syrienne occupait ensuite le terrain, aidée par les chiites iraniens ou libanais. L’Etat islamique n’arrivait plus à tenir ses positions malgré de lourdes pertes tout comme le Front al Nosra, en difficulté dans la province d’Idlib.
L’encerclement des positions islamistes autour d’Alep progressait tandis qu’à l’Est de Damas, les rebelles se rendaient par centaines.
Le point d’orgue de cette période fut la reconquête de Palmyre et le concert donné par un orchestre russe dans la cité antique libérée des barbares.
Depuis, une certaine confusion semble régner.
L’encerclement d’Alep marque le pas et l’armée du régime a même perdu quelques positions au sud sans que l’aviation russe n’intervienne. Par ailleurs, l’Etat islamique contre-attaque près de la frontière turque contre des positions tenues par des rebelles « modérés » afin de rouvrir ses voies d’approvisionnement . Accessoirement, elle fait des prisonniers et récupère des armes sophistiquées généreusement fournies par la CIA.
Près de Palmyre, c’est le statu quo : l’offensive envisagée vers Der Er Zor semble annulée et la seule nouvelle rassurante est l’installation d’une base russe à proximité de la cité antique.
Dans le même temps, les Américains semblent plus actifs. On les croyait englués en Irak, préoccupés uniquement par la laborieuse organisation de la reprise de Mossoul, et on apprend qu’un commando mobile d’environ 200 hommes monte des coups de main, y compris en Syrie, pour éliminer un par un les cadres de l’Etat islamique.
Alors que se passe-t-il, et pourquoi les Russes laissent tomber l’armée de Bachar en plusieurs endroits, non stratégiques il est vrai ?
Faute d’éléments encore probants, nous en sommes réduits aux conjectures.
Tout d’abord, les Russes sembles agacés par l’intransigeance du régime qui a plusieurs fois lancé des attaques sans prévenir leur allié, alors que des discussions s’élaboraient à Genève. Certaines phrases distillées avec doigté par les ministres de la Défense et des Affaires Etrangères russes vont dans ce sens.
Mais surtout, on peut s’interroger sur la possibilité d’un accord encore secret entre Russes et Américains. Jusqu’à présent, chacun s’occupait de son allié (Syrie pour l’un , Irak pour l’autre) sans interférence excessive.
Ne sommes-nous pas entrés dans une nouvelle ère avec Obama voulant liquider l’Etat islamique pour partir en beauté et Poutine voulant solder le dossier syrien avant l’arrivée d’un nouveau Président américain ? En effet, les intentions de Donald Trump sont encore très floues (sa culture sur le sujet semble d’ailleurs inexistante) et celles d’Hilary Clinton guère enthousiasmantes en raison de son idéologie gauchisante bien connue. Son action en Libye fut à cet égard éloquente, dans la droite de ligne de celle de Sarkozy qu’elle a totalement soutenue pour la catastrophique intervention destinée à renverser Khadafi.
C’est une éventualité mais d’autres sont possibles ou complémentaires. Par exemple, l’idée de la préparation d’une partition syrienne dont aucun des belligérants ne veut mais que Russes et Américains peuvent essayer de leur imposer.
A ce petit jeu, aucun camp ne doit gagner ni perdre. Hormis l’Etat islamique sur lequel tout le monde est tombé d’accord pour le détruire.
C’est déjà ça.
Antoine de Lacoste
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