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Ainsi donc, la malheureuse Christine Lagarde, actuelle directrice générale du Fonds Monétaire international, va comparaître enfin, menottes aux mains (ou presque) devant la redoutable Cour de Justice de la République. Peu nombreuses sont les personnalités qui ont connu un sort aussi humiliant. On les compte sur les doigts d’une main. Et pour cause.
Cet épisode me remet en mémoire les débuts de ma carrière internationale, précisément au FMI. Mon modeste bureau était logé dans cette auguste et sinistre tour plantée au beau milieu de Washington , la capitale américaine . Elle se dresse à côté d’ une deuxième tour, également lugubre, celle de la Banque mondiale, l’une étant reliée à l’autre par une élégante passerelle aérienne, le tout dans le style stalinien le plus pur.
A l’époque, le directeur général de cette institution était un Français, comme le veut la tradition, Pierre-Paul Schweitzer, neveu de l’illustre docteur Schweitzer [1], un rigoureux et sévère inspecteur général des Finances, protestant bien sûr, incarnation vivante de la vertu des grands serviteurs de l’Etat.
Les temps ont bien changé . Car voici que, par un tour malicieux de l’histoire, pour la deuxième fois , notre pays est fâcheusement à l’honneur avec un de ses ressortissants au centre d’un scandale retentissant. La France n’a vraiment pas de chance. Etonnez-vous , dans ces conditions, que les Anglo-Saxons nous prennent des « rigolos »irresponsables.
La première fois, rappelez-vous , c’était l’ineffable Dominique Strauss Kahn où les gens bien informés (eh oui) voyaient à l’époque un petit génie de la finance. C’est incroyable comme les médias, par manque de jugement et comportements moutonniers, vous font et défont une réputation d’enfer [2]. Il est vrai qu’il était à la fois juif, socialiste et mondain. Avec une telle triple couronne en acier chromé, comment ne pas gravir un à un tous les degrés d’une renommée internationale ? Au surplus, il avait pour épouse une journaliste fort bien roulée et très lancée. Tous les ingrédients de la réussite sociale étaient réunis. Elle est venue au rendez-vous.
Las, le gueux, aux appétits sexuels insatiables, s’est sottement laissé surprendre, le pantalon sur les talons, dans un hôtel de luxe newyorkais, en train de présenter ses charmes enchanteurs à une fraiche jeune femme de chambre. Que diable, quand on se livre à ce genre d’exhibitions, on ferme la porte. On se rappelle la suite.
Si Strauss Kahn avait été élu à l’Elysée, et c’était quasiment assuré, il aurait incontinent transformé ce prestigieux palais en garçonnière de luxe. Et pour l’en déloger, lanlaire. Son successeur à l’Elysée a quand même eu la pudeur de ne pas loger sur place sa bonne amie du moment. On peut acquérir des manières avec le temps. Ceci étant, le Général de Gaulle a eu de bien singuliers héritiers. Mais comment prévoir que des fripons vont inévitablement venir après des parangons de vertu ? C’est la loi de l’histoire des hommes : Néron après Auguste.
A cet égard, il est curieux de voir comment certains responsables politiques socialistes, quelle que soit leur position sociale, se laissent aisément aller à des incartades lubriques plus ou moins burlesques. C’est sans doute inscrit dans leurs gènes. Rappelons-nous François Hollande, le soir même de son élection à la présidence, surpris par le magazine Closer s’échappant en visite privée chez sa copine du moment, en scooter, son garde du corps, recroquevillé sur le siège arrière du passager. Du pur vaudeville ou du meilleur Feydeau. Et aussi une excellente introduction à un « Quinquennat pour rien ».[3]
Pourquoi en est-il ainsi ? Je crois que cela tient à l’idéologie socialiste elle- même qui commande la morale privée. Le laxisme généralisé, qui caractérise leur comportement politique, trouve son pendant dans leur morale privée, qui est essentiellement permissive. Je suis élu ; je suis le roi ; donc tout m’est permis. Mais il n’est pas surprenant que la réputation des Français à l’étranger soit aussi dégradée. Avec l’épisode Lagarde, qui n’est pourtant pas socialiste, elle n’est pas près de s’améliorer.
Pour en revenir au sort de cette dernière, on sait que de tradition, le directeur général du FMI est français et le N° 2, américain (pour le surveiller sans doute et l’empêcher de faire des boulettes), de même que le président de la Banque mondiale est toujours américain . Ces habitudes datent de l’après-guerre lorsque les Accords Bretton Woods ont jeté les fondations du système monétaire international. Les Français se sont taillés la part du roi ( grâce notamment à l’incomparable talent du négociateur français, Jean de Largentaye). Et les Allemands , on s’en doute, ont eu celle du pauvre. Les Anglais sont restés à l’écart de cette distribution des prix, sachant que les choses sérieuses se traitaient, de toute façon , sur les marchés financiers de Londres.
Ce en quoi ils n’avaient pas tout à fait tort. Car l’occupation de tel ou tel trône par tel ou tel favori du moment qu’il fallait récompenser, n’a pas l’importance que naïvement les responsables politiques français lui attribuent. En effet, solidement encadrée par une administration compétente et intègre, le responsable ainsi nommé ne peut guère se permettre de fantaisies sous peine de se voir rapidement remis en question. Sa présence ne change absolument pas le bon fonctionnement de l’organisme dont il assure tant bien que mal la direction. Les postes politique n’ont finalement guère d’importance, si ce n’est de prestige. Or c’est précisément ce prestige qui risque fort d’être mis à mal par ce second scandale, bien inopportun, qui voit la directrice de cette noble institution accusée de concussion au profit de l’illustrissime Bernard Tapie.
On connait l’affaire, au moins dans ses grandes lignes. Christine Lagarde avait été nommée tout de go au poste prestigieux de ministre des Finances par Nicolas Sarkozy qui avait été la cueillir dans un poste de cabinet conseil lambda à New York . Puis, en récompense des services rendus aux finances, elle avait obtenu le poste, non moins prestigieux, de directeur du FMI .
Le malheur veut que à l’occasion de son passage à Bercy , elle avait cru bon de s’affranchir des règles prudentielles habituelles de l’Administration pour confier le règlement de la ténébreuse affaire Adidas à une instance d’arbitrage improvisée dont faisaient partie deux autres personnages.
L’un était un haut magistrat, le vice président de la cour d’appel de Versailles. Il était propriétaire d’une petite ferme juchée à flanc de montagne dans un petit village charmant perché au dessus de Luchon. Il avait par la suite acheté une somptueuse villa dans les Caraïbes, préférant , on le comprend, la douceur des Antilles, aux rigueurs de la montagne. Il ne faut pas, bien entendu , établir un quelconque lien entre ces deux affaires. Mais il est également quand même poursuivi dans cette procédure.
L’autre est une personnalité connue, héros de l’alpinisme et ancien président du Conseil constitutionnel. Quand même. Décidément le droit mène à tout . Mais , à 86 ans passés , il a été sagement jugé qu’il devait être au dessus de tout soupçon. Ce qui est la moindre des choses pour un ancien montagnard.
Quant à notre Christine, elle n’est pas encore parvenue à ce stade des hauteurs stratosphériques où se perd le regard de la justice. La voilà , la pauvrette, accusée de complaisance envers Bernard Tapie. Non qu’elle ait , succombé à ses charmes vénéneux du sus dit, mais plutôt cédé aux douces pressions venues des hauteurs de l’Elysée, Nicolas Sarkozy étant à l’époque président de la République. Or on connait le goût de notre Nicolas national pour les combines un peu douteuses. Ne fait-il pas lui-même aujourd’hui l’objet d’une bonne demi-douzaines de procédures judiciaires, après avoir perdu l’Elysée où il espérait trouver un refuge confortable contre la rigueur des lois.
On est en droit de supposer le scénario suivant, qui est tout à fait plausible. Prestement kidnappée par Sarko, toujours expéditif et impulsif, de son poste de conseiller juridique dans une boite de conseil à New York où elle devait s’ennuyer à mourir , puis implantée par à Bercy sur un poste de ministre du budget, -le fait qu’elle n’y connaisse rien ne faisant qu’ajouter du piment à la chose- , cette dernière ne pouvait que prêter une oreille tout à fait attentive aux desiderata du président Sarkozy dont elle était l’obligée. Et passez muscade.
Ce dernier n’avait pas , de son côté, été insensible aux clameurs de l’inimitable Bernard Tapie, toujours en quête de puissantes protections pour couvrir ses nébuleuses affaires, pour des raisons que l’on ne connait pas encore, mais que l’on devine inavouables , comme d’habitude [4].
C’était l’ami des présidents , quels qu’ils soient. N’oublions pas que François Mitterrand, qu’il amusait et qui ne rechignait pas devant des relations équivoques, en avait fait , on ne sait pourquoi , un ministre de « quelque chose ».
Car François Mitterrand, un Thermidorien , avait le sens du dérisoire. Et puis , il aimait se distraire. La manie de nos présidents de s’offrir des caprices de rois est bien ancrée dans les traditions de la V° République. On se souviendra, à cet égard, que notre François avait fait nommer ministre un avocat qu’il avait rencontré quasiment par hasard en Vendée, au cours d’une ballade présidentielles . A cette occasion, on lui avait servi au repas un poisson qu’il avait trouvé fort à son goût. Après tout, Paris vaut bien une messe. Pour François, une morue ou une dorade valaient bien un ministère. Et puis Caligula avait bien fait un sénateur de son cheval.
Voilà toute l’affaire. Gageons que la charmante Christine, (qui devrait quand même se remplumer car elle souffre manifestement d’anorexie), s’en sortira tout à son avantage, avec, au pire , une petite tape sur le poignet, pour son « manque d’attention » . A moins que, coup de théâtre inopiné, quelque « loup » énorme ne s’échappe du bois en cours d’instruction. Mais cela se saurait déjà. Quoiqu’il arrive, les membres du Conseil d’Administration du FMI lui conserveront toute leur confiance avant de retourner à leur sommeil hivernal. Il est vrai qu’ils sont payés pour ça.
Quant au héros de l’affaire, Bernard Tapie, on peut être assuré qu’il ne remboursera pas un liard à l’Etat, ayant eu tout le loisir d’organiser son insolvabilité avec son, ou ses hôtels parisiens, ses comptes bancaires dans des sites enchanteurs et son yacht ancré à Cannes ou en Grèce. Il y a quand même une justice en France.
[1] Eh oui, celui du célèbre « il est minuit, Dr Schweizer »
[2] Ceci étant, lorsque par suite de ses déboires, il a été livré à lui-même, loin des fumées enivrantes des médias, il a bel et bien capoté. Dans le monde de la finance privée, on ne rigole pas
[3] Qui ne connait l’ouvrage d’Eric Zemmour ?
[4] Ce genre de relations entre le monde des affaires et le monde politique se traduit toujours de la même façon que l’on peut désigner comme un trafic d’influence plus ou moins discret
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